La belle jeunesse. Déjà.

On oublierait vite le petit nombre de mois d'existence du RectoVerso, ce n'est pas si loin. On sait que le temps va vite, très vite, trop vite. On sait que les heures deviennent des jours, les jours des semaines, et les semaines des mois. Le temps file, on sait.

Du RectoVerso, on a connu les prémices, révélateurs d'une cuisine qui assurait, déjà. Affirmée, précise, goûteuse, déjà. On sentait Robin Van Habost et Loïc Thirion, en binôme plus que complice - et rejoints depuis par Thomas Bourgeois, infusés par l'énergie folle des débuts, comme propulsés vers les beaux horizons qui s'ouvraient devant eux. En cette fin d'hiver 2021, hier en somme, et dès l'envoi des premières bouchées, ils savaient devoir attiser et attirer, allumer leur propre feu, sans trop fanfaronner, et oublier de se rassurer et se pousser du col sur les petits exploits faciles.

Résultat aujourd'hui est que, si leur genre naturel est la discrétion, celui de leur cuisine est l'expression. Travail encore, connivence toujours, complicité évidente, déjà. Leur socle, leur base, leur loi.

Retour sur terres. La salle du restaurant est belle, claire, toute en longueur, habillée des beaux matériaux de la région, rien d'anodin. Elle est large et béante d'ouverture sur la cuisine. Comme une scène pourrait l'être vers son public. Lumineuse et vivante, elle rejoint avec justesse la fidèle audience dirigée par Thomas Serbeniuk, le bras armé et bienveillant, le service attentif et la conscience vineuse et appliquée du RectoVerso.

Reste l'assiette, l'autre essentiel. Elle assure. Elle avance au fil des matins avec une sérénité presque désinvolte, avec une précision certaine, prometteuse, et curieuse vers l'envolée des nombreuses saisons qui arrivent. On peut parler des produits, on peut regarder les cuissons, on peut scruter les assaisonnements, on peut goûter les sauces... et n'y voir qu'une forme de bonne ivresse.

Il en est aussi que l'on a trouvé dans la valse complice de ces jeunes, cette essentielle qualité qu’est le doute. Le doute.. Le doute qui permet de chercher, d'essayer, de se tromper et d'y revenir, et de proposer en chute finale une cuisine de sensations, de saveurs juste bien marquées, sans trop d'abus, belle et pas trop pimpante.

On a assez peu souvent mangé aussi beau, aussi tôt.

Ils sont là. Déjà.

LD