Rencontre / François-Xavier Simon, Bistrot Blaise à Marche-en-Famenne : « J’ai commencé à aimer mon métier très tard »

28 juin 2024

Dernière étape de notre bel échange avec François-Xavier Simon. Après avoir parcouru le chemin d’une vie où il a fait plusieurs fois le tour du globe, nous avons voulu en savoir plus – et autrement, sur l’Homme. On a parlé de ses goûts, de ses passions, de ce qu’il aime, de ce qu’il est aujourd’hui.
Avec, en conclusion magistrale, l’intervention d’un invité surprise.

François-Xavier, votre première émotion à table, vous vous souvenez ?

Non… Pas vraiment. Mais j’ai un souvenir : Quand j’ai fini l’École Hôtelière, j’avais reçu le Prix de Salle et de Prix de Cuisine et l’un des cadeaux était un repas au ‘Comme Chez Soi’ à Bruxelles, un repas pour deux, c’était un lunch. J’étais déjà installé à Paris, mais comme le bon arrivait à date d’expiration, je me suis dépêché de réserver. J’avais emmené mon colocataire, qui sortait de Namur lui aussi. On avait aussi proposé à Thierry Jacques, qui avait travaillé au ‘Comme Chez Soi’, de nous accompagner. On est venus à Bruxelles, on a même visité la brasserie Cantillon toute proche. On portait notre petit costume de l’École Hôtelière ; blazer bleu, pantalon gris et petite cravate. Rien que le fait de m’être apprêté pour aller au ‘Comme chez Soi’, tu imagines… Quand on était à l’École Hôtelière, on nous parlait souvent des grandes maisons comme ‘le Karmeliet’, le ‘Comme chez Soi’, la ‘Villa Lorraine’, le ‘Hof van Cleve’… Des grandes maisons classiques, des maisons qui faisaient rêver, les références en Belgique.

Vous avez un plat favori ?

Les cuisses de grenouilles que faisait ma grand-mère. Comme elle les préparait… Et toujours faites avec tant de facilité pour elle… Ça reste mon plat favori. J’adore ! Alors, que ce soit bien clair, je ne les fais pas comme elle !… (rires) Elle c’était au beurre à l’ail, ou à la crème et à l’ail. Je n’avais pas de préférence, car comme elle les faisait (sourire)… Elle les faisait comme une grand-mère, tu vois… C’était à la crème et à l’ail… Et y avait de la crème et y avait de l’ail ! (rires) Ça baignait dans la crème, et tu prenais ton morceau de pain, tu sauçais… Mais c’était tellement bon ! C’est un vrai souvenir d’enfance.

Que trouve-t-on d’office toujours dans votre frigo à la maison ?

Alors, d’office : de la bière, et pour l’instant des bières tchèques et polonaises que l’on a ramené quand on est allés voir la famille de Hanna. Et aussi de bonnes bières belges. Il y a du beurre aussi… Mais un beurre qui part plus sur du beurre rance, le beurre qui traîne toute la semaine, tu vois… Parce que je ne mange jamais chez moi la semaine. Il y a toujours du chocolat aussi. Et des cornichons ! Tu vis avec une polonaise, donc tu n’as pas le choix ! (rires). En fait, j’ai un frigo d’étudiant célibataire…

Y a-t-il un plat que vous aimez cuisiner à la maison ?

Si c’est pour nous, Hanna et moi, je fais des pâtes. On adore ça et donc, j’en cuisine. C’est bon, c’est facile, tu y mets un peu d’amour, de bons produits, tu peux vite faire plaisir avec un bon plat de pâtes. Mais quand on reçoit, j’aime faire un poulet rôti, le poulet du dimanche, c’est tellement réconfortant ! Et puis, je le mets dans le four et je peux rester près de mes invités.

« Mon émotion, c’est le premier fruit de la saison.
La première fraise, la première cerise…« 

Un endroit où vous vous sentez bien ?

Je me sens bien, et je ne le fais pas assez souvent, quand je vais me balader, quand je sors en vélo dans les bois, quand je me retrouve dans des endroits où j’ai de l’espace, un réel espace… Un espace de liberté en somme. L’été ou l’hiver, et je ne skie pas, quand je pars à la montagne, c’est cet espace de liberté que j’adore.

Êtes-vous plutôt viande ou poisson ?

Ça va dépendre de l’endroit où je suis, et aussi de la saison. Ici, en hiver, je vais aimer un bon plat autour du gibier. Dans le sud, en été, je suis très poisson. J’aime aller à la côte pour manger une bonne sole meunière, par exemple. Et elle peut être aussi bonne ici, on est d’accord, mais à la mer… Ça va dépendre du contexte dans lequel je suis, c’est plus souvent ça, en fait. À la maison , je mange peu de viande et peu de poisson, beaucoup plus de légumes et beaucoup de pâtes, ce sont des choses qui reviennent plus au quotidien. Même au restaurant, avec Hanna et les garçons.  

Avez-vous un vin préféré ?

J’aime les Bordeaux blancs, les Côtes du Rhône blancs. Mais j’aime un bon verre de rouge après… Mais si tu me demandes un cépage, c’est le Grüner Veltliner Je me souviens très bien du moment où j‘en ai bu pour la première fois. Et c’est ce qui est beau ! Quand tu parviens à te souvenir du moment, du lieu, de l’étiquette. C’était à Dubaï, un sommelier m’avait fait goûter et j’ai eu un vrai coup de cœur. C’est aussi un vin qui me ramène vers de bons souvenirs.

Un fruit ?

Oui ! Le premier fruit que je mange dans sa saison ! La semaine dernière, j’ai mangé la première cerise. Et je me suis dit, p… Laurent !… Et d’un coup, dans ma tête, je vois plein de trucs, j’ai plein d’idées, j’ai envie de faire ci, j’ai envie de faire ça. Et la première fraise que tu manges, tu te dis, ah ouais… parce que ça fait des mois, presque une année que tu ne l’as plus mangée. Maintenant, je suis plus fruits au printemps et en été qu’en hiver. Ceci dit, une vraie tarte aux pommes, c’est quand même bon… mais c’est plus un fruit cuit. Sur les fruits cuits, je suis pomme et poire et sur les fruits frais, j’aime les fruits rouges frais, la mûre, une bonne groseille, la cerise. Mais mon émotion, c’est le premier fruit de la saison.

Un légume ?

La pomme de terre. Parce qu’il existe plein de variétés de pommes de terre. Parce que l’on peut la travailler à l’année. Et en plus, on peut la travailler avec tout, quoi que tu aies dans ton frigo et qu’il te reste une pomme de terre… Tu la fais en écrasé, tu la fais frite, tu la fais sautée. Elle peut se manger chaude, froide, vapeur, passée à la friteuse. C’est un légume qui s’adapte à toutes les cuisines, à tout ! Tu peux te balader avec avec une pomme de terre et faire toutes les cuisines du monde : française, méditerranéenne, indienne. Chez nous, tu la retrouves de la friterie jusque dans un restaurant trois étoiles ! Et dans toutes les maisons, dans tous les ménages. Et il faut arrêter avec « le légume du pauvre », pour moi ce n’est pas le légume du pauvre ! Quand j’étais gamin, sur sept jours, je mangeais cinq fois de la patate. Et deux fois des pâtes. On mangeait très peu de riz. Ou alors avec une blanquette. Le lundi, on les mangeait à la vapeur, le deuxième jour c’était les restes, le troisième jour, c’était sautées. On avait un stock ! On gardait les pommes de terre pendant six mois. On avait une cave où il faisait sec, et s’il y avait un peu d’humidité, ma mère les dégermait, c’était pas un problème. Un légume où on ne doit pas attendre la saison. Je me retrouve dans ce produit.

Quel est votre cuisine préférée ?

C’est compliqué pour un chef de répondre. En fait, j’aime les cuisines du monde… J’aime les cuisines asiatiques, ça peut aller de la cuisine indienne, à la cuisine chinoise, la cuisine japonaise. Après, je pratique la cuisine française au quotidien… et la cuisine méditerranéenne, c’est celle que je mange beaucoup. Maintenant, tu me plantes sur une île et je ne garde qu’une seule cuisine, je garderais la cuisine asiatique ; des plats sautés, bons, c’est plus spontané. Comme la cuisine méditerranéenne ; que de bons produits, tout simple. Les bons produits méditerranéens, la plupart, ils n’ont pas besoin d’être cuits ; une bonne courgette, tu peux la manger crue ! Une tomate pareil… Mais il y a une influence Asie sur mon quotidien. Donc, oui, j’aime ça.

Quelle est la crasse qui vous fait tomber ?

Les frites ! Avec une viandelle, une fricandelle et de la sauce andalouse. C’est ma commande préférée à la friterie. Avec une cannette de bière. Sinon, un bout de chocolat. Mais je bois zéro sodas ! Jamais de bonbons ! Et j’aime aussi un bon paquet de chips, j’aime les chips au fromage du Jura (rires).

Un sport ?

Je suis le foot. Je regarde la Champions League, j’aime bien regarder le championnat anglais et le championnat espagnol aussi. Et le sport automobile. Tu ne peux pas m’enlever AutoMoto le dimanche matin ! Hanna sait très bien… Je peux tout faire à côté, je peux me lever à quatre heures du matin pour aller faire du vélo ou que sais-je mais… à 10 heures 05, c’est AutoMoto ! Et encore ce weekend, j’ai dû dormir cinq ou six heures, je me suis réveillé, j’avais les yeux collés, je me suis posé dans le canapé encore à moitié endormi et j’ai regardé AutoMoto. C’est mon truc, j’adore ça. Je suis un fan de bagnoles. C’est, pas pour faire le beauf mais j’aime ça…

Un film ?

Deux !… Non, trois !… ‘Le Grand Restaurant’, avec Louis De Funès. (rires) Je l’ai regardé, regardé, et encore regardé… Tu n’imagines pas ! Il y a aussi ‘Bloodsport’ (Tous les coups sont permis) avec Jean-Claude Van Damme, je le regardais avec mon frère. Je connaissais tous les gestes, toutes les mimiques, je suis retombé dessus il n’y a pas très longtemps !… (rires).
Et il y a ‘Pulp Fiction’. J’aime le côté taré de Tarantino. Et j’aime les musiques de ses films. ‘Django Unchained’, j’ai adoré aussi. Ces films où il y a trois ou quatre histoires dans le même film. Et en tant que bon belge… ‘Dikkenek’ ! (rires).  

Votre juron préféré ?

P… Et je le dis trop en fait ! C’est pas bien, je le dis trop souvent, et c’est vraiment pas bien. Là, je vais avoir une petite fille donc il va falloir que je me taise, donc c’est très bien (rires).

Quelles sont les musiques qui vous accompagnent ?

J’espère que tu es bien assis : Johnny B. Goode de Chuck Berry !… Si je veux me rebooster, me relancer, je mets ça. C’est très sentimental, c’est une musique que Pierre Gagnaire m’a fait découvrir, que je connaissais, mais je voyais l’émotion que ça lui procurait. C’est un moment assez intime avec lui.
Maintenant, et tu n’es pas prêt, (rires)… Il y aussi Charlotte de Witte, Reinier Zonneveld… mes musiques de cinglés ! On se met ça parfois en fin de service le samedi soir avec les garçons. Mais bon, j’écoute vraiment de tout.  Le dernier coup de cœur que j’ai eu, c’est pour Zaho de Sagazan, quand elle a chanté au Festival de Cannes, j’en ai eu des frissons, c’était beau. Mais le seul disque que j’ai à la maison, c’est Chuck Berry. Ça reste spécial pour moi.

Vous avez une madeleine de Proust ?

Le chocolat noir. À l’époque où je faisais le tour du monde, la seule chose que je pouvais emmener avec moi, c’est un bout de chocolat noir ! Lors de mes voyages, quand j’arrivais dans ma chambre d’hôtel, il fallait que j’aie du chocolat avec moi. Ça m’arrivait d’oublier, et j’en étais malade, il fallait que j’aille en chercher.
Là, dernièrement, j’ai eu un vrai coup de cœur pour le chocolat de Pierre Plas, il est à Bastogne. Il fait partie de ces artisans qui ont une vraie démarche, c’est bon, ces chocolats sont bons.

Quelle est la dernière chose qui vous a rendu triste ?

… Le décès de ma grand-mère, il y a un mois… Tu vois… C’est le moment où je me suis dit qu’une page se tournait, que l’une de mes pages se tournait… C’était quelqu’un ma Grand-Mère. Tu sais, je suis parti très tôt. Et à chaque fois que je revenais ici, je passais toujours la voir quand elle était dans son épicerie. Pour moi, elle est un modèle de vie. Elle s’est retrouvée veuve très tôt, avec trois filles. Elle travaillait jour et nuit. Durant toute sa vie, elle a tiré sa famille vers le haut. C’était une dame de fort caractère… et je me retrouve peut-être quelque part en elle, par ce qu’elle disait, mais avec beaucoup d’amour. Son courage est un exemple. Elle a toujours été là pour nous, pour nous tous, pour toute la famille.
Et quelque part, j’ai un autre lien fort avec elle, parce que le goût que j’ai, ce goût qui me reste en bouche, ce sont ses cuisses de grenouilles. Alors, ce n’est pas elle qui m’a inspiré la cuisine mais quand elle cuisinait, c’était bon, c’était toujours bon ! Elle cuisinait tous les dimanches, on était chez elle, elle avait une cuisine très simple. Et ses sauces sur les gibiers… J’ai toujours eu ce lien très fort avec ma famille et avec ma grand-mère.

« Tous les jours, elle est notre première et notre dernière parole. »

… Et la dernière chose qui vous a rendu heureux ?

L’annonce que je vais être Papa. La joie que ça nous a apporté à Hanna et à moi, à nous, à nos familles. Le sentiment que ça procure à toute une famille, je parle pour nous deux, et à tous nos proches. C’est marrant parce qu’elle n’est pas encore là et déjà tellement présente dans nos vies. Tous les jours, elle est notre première et notre dernière parole.

A quoi êtes-vous fidèle ?

À mes valeurs. Je ne sais pas si j’ai des vraies valeurs mais j’ai des valeurs, et elles sont la base de tout. En amitié, en amour, dans le travail. Et je crois que ce n’est pas évident pour ceux qui m’entourent, mes valeurs sont très, très… Je suis très droit. C’est pas à gauche, pas à droite. J’essaie d’être le plus droit possible. J’ai deux personnalités, j’ai deux vies ; tu me vois la semaine, tu me vois le weekend, je ne suis pas la même personne. La semaine, je suis François-Xavier, le Chef de cuisine et le weekend, je suis François-Xavier, le mari, l’ami, le copain… La semaine, je ne suis pas le même homme. Mais mes valeurs avant tout.

Qu’est-ce qu’un « bon plat » pour vous ?

C’est un plat qui procure des émotions… Ça peut être très simple comme ça peut être complexe. Mais dès que ça te procure des émotions et que tu en gardes un souvenir, c’est que tu as réussi un bon plat. Je ne parle pas à titre personnel mais parfois, on pense avoir fait quelque chose de très simple mais qui marque beaucoup de personnes, et là tu as réussi quelque chose. Un plat qui procure des émotions est un plat réussi. Et tu peux réaliser deux fois le même plat, avec la même recette ; si il ne te procure pas deux fois la même émotion, tu te souviendras toujours de la première.

Y a-t-il quelque chose que vous n’avez jamais dit à propos de votre métier ?

J’ai été passionné très tard… J’ai commencé à aimer mon métier très tard, très très tard… Et à le comprendre très tard aussi. J’ai appris à l’aimer. C’est fou… Mais je l’aime de plus en plus tous les jours. Je sais que pour beaucoup, c’est souvent l’inverse.

Votre plus grande peur ?

Échouer… Je suis un stressé par rapport à ça au quotidien, j’ai peur d’échouer. Je ne veux pas décevoir. C’est ma plus grande peur. En amour, en amitié, dans le travail… Je ne veux pas décevoir. J’ai un besoin constant d’être à la hauteur. C’est peut-être pour ça que je suis sensible à ce que l’on me dit, ce que disent les clients, mon équipe. Quand mes garçons me disent quelque chose, je les écoute, j’essaie d’être le plus juste avec eux.

En tant que patron, je veux qu’ils se sentent bien chez moi, qu’ils se sentent considérés, qu’ils soient épanouis. Mon envie de vouloir bien faire pourrait troubler et peut-être troubler tout ça. Hanna, mon épouse, quand je vois comme elle se donne, tout ce qu’elle fait au quotidien pour que je me sente bien. Ma famille, elle, mon équipe, tout le monde fait tout pour que je me sente bien, je me dois de ne pas les décevoir. Je suis conscient de tout ce qu’on me donne. Parfois, je donne l’impression de ne pas m’en rendre compte, mais je m’en rends très bien compte.

« Chaque départ a été très difficile, comme une déchirure…
À chaque départ, à l’aéroport, j’avais les larmes aux yeux, à chaque fois. »

Le moment qui a changé votre vie ?

Je me suis retrouvé mal à plusieurs moments dans ma vie, au niveau personnel comme professionnel. La reconstruction de l’entreprise familiale a été un moment clé, au niveau caractère, au niveau émotionnel. Ça a joué beaucoup au niveau de mon caractère, je pense. Après, il y a eu plein de choses, j’ai vécu beaucoup de départs, je suis beaucoup parti à l’étranger. Ce sont toujours des moments difficiles… La première étape, je suis parti de chez moi, à Namur… Dur. J’ai quitté Namur pour aller à Paris, j’ai quitté Paris pour aller à Rome, j’ai quitté Rome pour aller à Dubaï. Chaque fois, ce sont de séparations, tu reviens, tu repars, tu reviens, tu repars. Chaque départ a été très difficile… À chaque départ, à l’aéroport, j’avais les larmes aux yeux, à chaque fois.

Votre plus grand regret ?

J’ai un immense regret… C’est que ma grand-mère ne soit jamais venue manger ici… Ça, c’est…

La situation la plus difficile que vous ayez eu à affronter ?

Je n’en ai pas eu, je n’ai pas eu de… Ce serait ridicule pour moi de dire ça parce qu’il y a tellement de personnes autour de moi qui ont eu de vrais moments compliqués. À partir du moment où tu as la santé, la famille, que tu as l’amour de toi… Ce serait prétentieux de ma part de donner des moments difficiles. Je ne peux pas me plaindre.

« Un repas en tête-à-tête avec ma grand-mèreÇa…« 

Dans quelques seamines, une petite fille va arriver dans votre vie, qu’est-ce que vous lui diriez là maintenant ?

Je crois que le truc que tu ne dis pas assez en tant que parent, ou même enfant, c’est « je t’aime ». C’est la parole que je dirai le plus dans toute ma vie, je crois… Je suis certain que je vais être un papa poule. La génération de nos parents ne disaient pas beaucoup « je t’aime », notre génération le dit plus facilement. Déjà, tu vois la fille de mon frère, quand elle me le dit, pfiou… Ça n’a pas de prix. Et notre enfant qui va arriver, tu vois…

Avec qui rêvez-vous de vous retrouver à table ?

Ce n’est pas le repas qui va m’importer, ce sont les gens. Mes amis, j’aurais envie d’avoir mes amis près de moi. Et si j’avais dû faire un dernier repas, ça aurait été un repas en tête-à-tête avec ma grand-mère…Tu vois… Un repas où tu peux dire les choses, dire les choses… Mais voilà.
Mais mes amis, mes proches ; j’aime ces moments avec eux. Une tablée avec tous tes amis proches, tous tes vrais amis. Le dernier repas comme ça, c’était à notre mariage. Alors que ce repas, tu t’en fous un peu, tu ne sais même plus ce que tu as mangé, tu l’oublies un peu ce repas. Mais le repas du lendemain… Cinq tables rondes qui étaient à l’extérieur, un buffet, sous les arbres, ce n’était pas le grand beau temps, il faisait simplement beau. Et tout le monde souriait. C’est ce genre de repas que j’aime.

Y a-t-il une question que vous auriez aimé que je vous pose ?

Peut-être… « Comment te sens-tu aujourd’hui ? »

Et ?…

Je me sens bien. Bien, comme je ne l’ai jamais été, tant au niveau humain, qu’au niveau professionnel.

Alors, ce n’est pas terminé, François-Xavier…
J’ai demandé à un certain Pierre G. de Paris de te poser une question. Et comme c’est un homme généreux, il en a posé deux.

… (Sourire)

Pierre Gagnaire : François, qu’avez-vous avez retenu d’essentiel de notre collaboration ?

… (Sourire)… (Long silence)… Je dirais les valeurs… Ça c’est évident. Et le respect. La remise en question permanente, au quotidien, à chaque service, à chaque assiette. Et l’humilité, avant tout. Ce sont des valeurs essentielles auxquelles je pense tous les jours, je t’avoue. Et je pense tous les jours au Chef. Pas une journée ne passe, et ça peut paraître un peu bizarre, et ce n’est pas un mauvais syndrome je pense mais je pense au Chef tous les jours. C’est une personne qui reste tellement, mais tellement importante dans ma vie. On s’écrit régulièrement, on est toujours bien en contact. Et il a toujours « le mot » pour moi.

Pierre Gagnaire : François, quel est votre meilleur souvenir après toutes ces années auprès de nous ?

… Les moments à table, les moments d’échange à table, ces moments où l’on parlait. Ce sont mes meilleurs souvenirs. Quand il expliquait ses anecdotes, quand il me parlait de foot, quand il me parlait de Saint-Etienne. Quand il riait… et on rigolait beaucoup à table. Tu vois, parfois je pouvais avoir un avis qui pouvait être différent du sien, je défendais mon avis et puis parfois, il me disait « Non non ! » et parfois « C’est vrai, mon petit François » Il m‘a toujours appelé « mon petit François ». C’est dans ces moments-là que l’on se livrait un peu tous les deux.
Il m’a toujours encouragé, même quand je n’avais pas été bon, et tu le sais très bien quand tu n’as pas été bon ! Il arrivait toujours à me motiver et à me faire avancer. C’est beau… Pierre Gagnaire, je serai toujours là pour lui. Toujours.

Propos recueillis d’une rencontre entre François-Xavier Simon et Laurent Delmarcelle à Marche-en-Famenne, le 3 juin 2024. – Photos © Eating.be et Instagram FX Simon.

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