C’est toujours enivrant quand l’horizon chavire. Voir le ciel essayer de se cacher dans les bois, deviner le soleil qui se faufile entre branches et feuillages, voir se chamailler les tons de la saison ; un bleu, le vert et toutes les couleurs chamarrées de mère Nature. De la route, on dirait que les arbres s’inclinent et recouvrent le chemin à deux bandes, comme pour nous protéger des rayons d’un soleil trop bas et aveuglant. Ce chemin est beau, on le lira comme un voyage, à destination la jolie place de Virelles.

Ici pointe le Contre Façon, la belle adresse de la région de Chimay. Blotti dans un maître bâtiment, un lieu qui a dû abriter autrefois les forts gaillards de la région. Un pied à peine posé, on peut tourner et retourner sur soi, regarder de bas en haut, et l’inverse, on peut entamer toutes les valses, l’œil se régale. Comptoir imposant comme dans le temps, escalier magistral en bois, d’un côté ; salle à manger au mobilier contemporain et lumières chaudes de l’autre. L’ancien épouse le moderne, la conjonction absolue, déjà. J’ai toujours eu une vraie tendresse pour les lieux qui sont capables d'offrir la magie d’emmener ailleurs, de proposer une vacance de quelques heures, de faire de quatre murs un autre univers, de faire d’un décor un théâtre avec tous ses velours.

Loïc Pierard est un sacré cuisinier. Si l’homme est humble et discret, on en connaît peu à avoir cette adresse et ce panache de proposer l’idée d’interpréter un produit en deux manières ; l’une dite classique, l’autre plus d’aujourd’hui. Les deux ne sont pas contraires, preuve en est bien faite ici. Aucune opposition de style, la démarche du chef est à lire comme une aubaine, une occasion ultime d’accepter le bel augure d’une gourmandise en deux versions. Il interprète le produit en deux lectures, deux visions, comme pour ravir ensemble les gourmandises proches et les envies différentes. Loïc Pierard nous enseigne qu’il ne faut surtout pas jouer les empereurs des villes blindés de certitudes mais bien d’être humble et ouvert et se laisser prendre par la main par la belle nature de l’endroit. Merci et bravo à lui.

La carte qu’il offre s’habille en deux costumes. Pour les prémices, on ira vers la Cervelle de veau soit en Façon Grenobloise, câpres, croûtons, citron, soit en friture, béarnaise de betteraves ou vers les Coquilles Saint-Jacques soit en Lutée, topinambour, beurre noisette, soit en Tartare, kalamansi, caviar et vers le Foie Gras, soit Escalopes poêlées, pommes, madère, soit en terrine, raviole de céleri, truffe.

En suites, viendront le Rouget soit avec ses petits légumes et safran de Chimay, soit cuit en papillotte végétale, beurre de corail ou la Biche, soit le pavé rôti, grand veneur, soit Cuite sur des noix, sauce orange de quinquina ou le Bœuf, soit en Entrecôte de chez Gaël au beurre Bercy (à la moelle de boeuf), soit Le short rib cuit 5 heures, laqué barbecue, sauce tranchée aux herbes. Et pour clore, le Colonel Contre Façon au Ginmay, le Brownie servi tiède, glace gianduja, noix de pécan ou la Tatin de pommes flambée en salle.

Protégée par l’esprit managénial et bienveillant de Xavier Dusaucy, l’équipe en salle œuvre se révèle précise, efficace et passionnée ; par la douce Marie, complice de cœur et d’œuvre de son chef d’homme, son équipe et par Pierre Cornet, jeune sommelier doué à la fougue enthousiaste et partageuse.

Seule une belle main et de jolies personnes pouvaient habiter ce lieu, y exister et donner couleurs à ce tableau pastoral.

Ce jour-là, le soleil a pu disposer et gagner sa nuit. Et nous de quitter Virelles. Certains instants nous disent que parfois, il ne faut pas chercher ailleurs, juste laisser les beaux moments se déposer en nous. Comme un doux soleil couchant d’automne.

LD