L’Air de Rien s’est imposé ces dernières années comme l’une des adresses phare de la couronne gastronomique liégeoise.

Le restaurant du Chef Diffels a réussi à entrer dans le cœur des amateurs, sans tapage médiatique ou autres storytelling, mais avec inventivité, talent et surtout sincérité. Depuis le déménagement dans le nouvel écrin rénové superbement avec goût et retenue, un nouvel espace de jeux et de pensées s’est ouvert en cuisine.

Bien sûr, la brutalité poétique de la cuisine de Stéphane Diffels reste, mais elle englobe l’épure des plats avec plus de sens encore qu’auparavant. Bertrand Stiennon, le second et associé de la maison, permet au maître des lieux de se libérer plus encore à la créativité… et à son jardin savoureux, qui s’offre aux visiteurs, dès le parking. Ce potager, et plus largement la nature qu’il représente, sont des points cardinaux du lieu. Il nous invite à lâcher prise… Et c’est justement le nom du beau menu que nous avons dégusté. Non annoncé, son contenu n’offre rien de mieux que la belle vérité du jour, tout comme le potager donne la sienne de manière si différente et continue. Entre la subtilité persistante des saveurs éthérées de bouillons un peu gras et la délicate agressivité des cuissons au feu de bois, dont le geste même fait saliver à travers la vitre de la cuisine semi-ouverte, nous adorons tellement cette cuisine de contrastes.

L’enchaînement d’une pomme de terre au koji et poudre de prunes, nerveuse à souhait, et de la truite accompagnée d’un bouillon réconfortant furent un moment qui prouve que des contrastes peut naître l’harmonie. De plus, pour ne pas bouder notre plaisir, la carte des vins s’est étoffée et diversifiée, offrant aux palais les plus curieux et divers de nombreuses possibilités et variations. Le dogmatisme s’invite souvent en matière de vins, où les combattants de l’étiquette et de la vertu, ont la fâcheuse tendance de construire des cartes univoques. Ici, sous la houlette de Jérémy Pondant, plus rien de cela, on pioche dans l’envie du moment, sans complexe ni paresse.

Et si la magie de l’Air de Rien était précisément de résoudre les antagonismes du plaisir à table, par son approche humblement engagée et savoureusement hors cadres ?

JD