La constance, plus qu'une valeur, un talent.

On tire notre chapeau à Pierre Massin. Et on salue sa volonté d'oser, d’exister, de rester lui-même. Et d'entreprendre, d'oser faire bouger les lignes, ses propres lignes. En s'extirpant, il y a quelques temps, de la routine d'un lieu où le tour était fait. Et d'avoir eu le courage d'aller voir ailleurs s'il y était. De trouver une autre liberté. Car on parle bien de cela.

Depuis quelques années, Pierre et sa belle équipe partagent une autre respiration, un autre chemin, dans un autre théâtre. Dans des murs dessinés dans un magistral bâtiment contemporain, épousant la nature et l'espace. Ecrin lumineux pour une salle à manger du restaurant qui ose une atmosphère radicale et paisible ; épurée, elle sonne en hauteur les tonalités boisées de la charpente, la brutalité lissée du béton et la douceur de hauts drapés de tissus.

C’est qu’il faut savoir percevoir les ondes d'un nouvel espace et aborder la cuisine altruiste du nouveau Chai Gourmand, il y a pire promenade. Et de saluer sa constance, sa maîtrise, sa ténacité à dégager les modes, ces chimères fuyantes. L'assiette suit son beau chemin ; ni le temps, ni le décor n'ont chamboulé la démarche culinaire de Pierre, on sent l'homme heureux et le chef aux convictions solides ; il ne bouleverse pas les choses, il les peaufine, il les améliore, il les affirme.

Face à sa Langoustine en croûte de pain, bouillon Parmentier, crème battue au caviar, on reste d'abord interdit. L'intrigue ne se délie qu'en bouche, les papilles se chargent de l'interprétation. L'évidence au sein même d'un plat dit simple et d'un produit d'exception magnifié par des compléments pertinents. Bouchée après bouchée, se révèle l'existence d'un biotope reconstitué depuis les cuisines d'un arrière-pays proche de la Terre.
Ce qui est vrai avec cette assiette le fut aussi avec le reste des plats proposés : Médaillon de lotte et velouté de fèves des marais, moules, fenouil, pancetta, Presa Iberico Bellota, ravioli des joues, caponata d’aubergines et poivrons, béarnaise légère et Croustillant de Feta, tomate, concombre, oignons rouges.

Une cuisine agréablement servie par une équipe qui propose un service bardé de gentillesse décomplexée, de bienveillance sincère et sans manières futiles.

Le chai, où le sommelier Laurent Lebrun accompagne les créations du chef au plus proche de ses détours, se veut cohérent, réjouissant, en évolution constante et en phase avec l'époque.

A une époque où beaucoup tombent en pâmoison devant l’éphémère, ces pétards mouillés, je salue la constance; plus qu'une valeur, un talent.

LD