Dites-nous Olivier Paul-Morandini… : « Mon ignorance est ma plus grande amie »

14 février 2019

Un Destin extraordinaire. Rien ne prédestinait Olivier Paul-Morandini à devenir vigneron. Etudiant en communication, aventurier dans l’âme, son parcours de lobbyiste était tracé. A l’origine du numéro d’urgence européen, le 112, il aurait pu connaître des horizons plus bureaucratiques et soulever des projets tout autres. Irrésistiblement attiré par le pays de ses aïeux, au hasard d’un voyage en Toscane, il tombe en amour d’un terroir. Depuis dix ans, il produit des vins qui sont comme lui, ils parlent à l’âme et touchent le coeur. Rencontre avec un homme rare.
Alors, dites-nous Olivier Paul-Morandini…

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Un plat ?

Définitivement, ce sera celui que j’identifie à mes parents ! Et qui ne cessera de me rassasier. Tant il parvient à rallumer les émotions que je porte en moi, toutes ces émotions liées à des moments heureux, des moments réconfortants que l’enfant que je reste associe à un bonheur pur. Ces plats d’une simplicité déconcertante, que peu de restaurants gastronomiques parviennent à concurrencer, et qui nous mettent face à toute cette complexité qui habite nos civilisations depuis leur sédentarisation et ce que l’Homme a réussi, au travers de ce geste qui était vital mais aurait pu rester ce qu’il était à son origine : une cueillette rudimentaire. A savoir aborder son propre apprentissage dans la connaissance de ce qui l’entoure, la compréhension des cycles de la Nature, son partenariat avec elle mais aussi l’accompagnement dans le mystique qui allait nourrir son esprit, son imagination, ses rêves, son Eveil au Monde. Un partenariat où l’Homme était dépourvu d’arrogance face à l’immensité de Mère Nature et tentait tout au plus de l’influencer, suffisamment intelligent pour ne pas vouloir la dominer. Car nourrir c’est un acte d’Amour avant tout.
Maman, c’était les pizzas, les poivrons farcis, la salade tiède de chou rouge noix et fourme d’Ambert, ses sirops de sureau, son sorbet poire-chocolat ou sur la fin au cassis récolté chez le voisin. Papa, son saumon mi-cuit à la cressonnette (une recette de Pierre Wynants du Comme Chez Soi**), l’agneau à l’ail confit, le poulet du dimanche. Ensemble, et beaucoup de mes amis peuvent en témoigner, c’était le pique-nique qu’ils préparaient quand je partais pour mes escapades avec mes amis aux sports d’hiver, à la découverte de l’Italie, en reportage lors de mes études à l’IHECS ou aujourd’hui pour mes retours en Toscane après être passé comme un courant d’air en Belgique. Ce pique-nique, Monsieur, ne dépasse jamais la frontière luxembourgeoise, c’est purement impossible!!! (rires)

 

« Je me suis rendu compte que je n’avais pas de goût personnel. »

 

Un produit ?

Le jus de raisin fermenté !!! Homme de la ville arrivé il y a précisément dix ans dans cette campagne toscane, je me rends compte chaque jour de l’étendue de mon ignorance face à la richesse de pouvoir interpréter moi-même un produit de la terre. Je voulais avoir un vignoble et j’ai reçu bien davantage, je suis devenu apprenti vigneron. Sinon, je n’aurais été qu’un usurpateur vigneron… Je pensais répliquer le vin de l’ancien propriétaire, dont j’avais scrupuleusement étudié chacune des étapes en vigne et en chai, et par un concours de circonstance, mon instinct m’a amené sur une voie qui me nourrit dans tous les sens du terme. Mon ignorance est ma plus grande amie, elle m’a permis de manière très décomplexée de remettre à plat une tradition d’assemblage pluricentenaire en Toscane et d’explorer, juste parce que je devais comprendre le rôle organoleptique ou technique de chacun des 10 ou 15 cépages locaux. Je les ai vinifiés dans des dame-jeanne de manière isolée et je me suis créé une base de référence de goût. Car je me suis à l’époque rendu compte que je n’avais pas de goût personnel ! J’avais celui que papa m’avait transmis : Bordeaux ! Ensuite, c’est juste l’émotion que je ressens qui va définir les vins auxquels je vais tenter de donner la vie. Je 21034353_1896157713967741_6342277437829226644_nfais des essais, chaque millésime observe son lot d’erreurs et petit à petit, j’élabore une gamme de quelques vins, comme les enfants d’une famille, ayant chacun leur personnalité. Et c’est très intéressant, car dans mes cuvées qui sont donc toutes en monocépage, c’est bien plus évident de rendre compte de l’élément essentiel de l’identité : le sol !!! Si j’assemblais tous ces vins pour n’en faire qu’une seule cuvée, il en serait forcément plus difficile à en comprendre de quel type de sol chaque cépage provient. Tout le monde a bu du ciliegiolo par exemple car il accompagne la plupart des Chianti dans l’assemblage, mais qui a bu UN ciliegiolo ? Une minorité de gens. Et bien moi, le ciliegiolo j’ai envie de savoir qui il est, ce qu’il a à me dire… Il a une mauvaise réputation chez moi, celle de ne pas avoir de fraîcheur, ayant le rôle d’apporter juste une sensation de fruit dans l’assemblage. Et bien ce ciliegiolo, j’aimerais contribuer à lui offrir la réputation qu’il mérite. Si, dans une parcelle co-plantée comme c’était le cas du temps de nos grands-pères, on allait vendanger le raisin avec le dernier arrivant à maturité, donc le sangiovese vers la fin du mois de septembre, début octobre… Et bien mon ciliegiolo, depuis son premier millésime en 2013, je le cueille entre le 2 et 15 septembre à sa parfaite maturité phénolique. Il est certain que si je le laisse deux ou trois semaines de plus, je ne risque pas de contribuer à lui rétablir la réputation qu’il mérite. Et puis, il y a la magie de la vendange, des choix qu’il faut assumer, donc se fier à son instinct, pas aux sondages… Et là c’est magique ! Donc, vous avez compris que ce métier est un voyage, un pèlerinage tibétain… Deux pas en avant, un pas en arrière.

Une matière ?

Le vent… évidemment ! Ce chef d’orchestre invisible qui maintient nos antennes en alerte pour suggérer nos comportements. Ce Dieu colérique régulateur de vie, de parfums, qui nous casse la nuque aujourd’hui ou nous la caresse demain. À toute petite échelle, il est le véhicule des émotions qui vont s’exprimer dans notre nez, celui qui régule nos respirations, nos vies.

Un endroit où vous aimez aller manger ?

Da Alcide, chez Francesca et Cristina… dans mon village. J’y retrouve une approche du métier de bouche avec toute la noblesse et le respect des aliments, des saisons, des identités et cette recherche permanente qui donne la sensation de manger de la Vie ! Etape incontournable pour les amis ou clients qui nous visitent, je n’ose pas imaginer ma vie ici sans ce restaurant !

D’où vous vient cette passion pour la cuisine ?

Comme je le disais, parce que la cuisine chez nous était d’abord un moment important où l’on se retrouve et où nous vivons les scènes de la Vie en famille, où chacun se raconte, s’exprime. Chez nous, c’était un moment important. Donc, c’est un bon point de départ déjà. Ensuite, les origines italiennes et la découverte très tôt de ce pays qui ne peut que ravir un enfant, rien que par sa cuisine… Et si on s’intéresse un peu à l’art, on revient souvent en Italie, c’est sans fin ! Il y a un jeu aussi qui s’est installé avec papa : celui qui faisait découvrir à l’autre une super adresse ! Et puis, avec les amis de cette jeunesse aux bords de la sensation d’indépendance, ces moments liés à des ressentis d’immense liberté, que le Monde nous attend. Tous ces moments autour d’une table comme un trait d’union avec les gens qu’on aime. On pense que la cuisine est accessoire, elle est en fait un pilier !
51325136_2227388140857289_8178128476209938432_nEt puis André Jadin, ami de mes parents, Président de ‘l’Association des Gastronomes de Belgique’ et qui, lors d’un repas à la maison reconnaît à l’aveugle les vins que papa lui sert, sous nos yeux incrédules ! C’est grâce à lui que je rencontre en 1994 Eric Boschman et Pierre Marcolini qui présentent un sanglier au chocolat lors d’une soirée au Moulin de Woluwé-Saint-Pierre. C’est aussi avec lui que je vais manger un carpaccio de pis de vache au Comme Chez Soi, ou assister à sa colère lors d’une verticale du Château Yquem quand on lui sert un foie gras de La Comtesse du Barry « qu’il n’oserait pas servir au chat de son voisin quand il est parti en vacances! » (Rires)
Quand on pense qu’il y a cinquante ans, certaines personnes parvenaient à reconnaître à l’aveugle les pâtures où broutaient les vaches dont ils dégustaient la viande… La cuisine, c’est notre lien le plus indéfectible à la terre. Et ce qui m’impressionne dans ces dégustations à l’aveugle n’est pas moins la performance technique d’un entrainement de la mémoire mais bien l’expression de l’émotion qui ressurgit du plus profond de cette mémoire. Et cette question fondamentale de savoir si l’eau a une mémoire… Mais ça, c’est une discussion pour un autre moment !

« L’endroit où je vis… C’est lui qui m’a choisi. »

Un cuisinier qui vous impressionne ?

Je ne fais pas de classement, j’évite ce jeu ridicule et crétinisant. Je n’y adhère pas moi-même en ne jouant pas le jeu des guides qui bien souvent ont oublié leur rôle journalistique au profit de leur modèle financier… Si un guide ne demeure pas anonyme, il aura tout au plus du pouvoir mais ne fera jamais autorité. Pascal Devalkeneer, San Degeimbre, Christophe Hardiquest, Guy Martin, Alain Passard et plus récemment Yannick Alléno, Jean-Michel Hamon ou encore David Grosdent font partie de mes premiers prescripteurs sous leur aspect humain car ils ont, je crois, accueilli mon produit surtout par la démarche qui le portait : mon parcours, mon changement de vie, ma prise de risque, comme faisant partie intégrante du vin qu’il deviendra un jour. Ils se sont posés en tuteurs plutôt qu’en juges et m’ont donné l’élan de foi nécessaire pour tenir le coup dans une telle aventure. Une langoustine sublimée au Chalet de la Forêt, un carpaccio de thon fumé aux copeaux de hêtre et chêne chez Bon Bon, des asperges sauvages que j’avais cueillies pour un repas chez Yannick Alléno dans sa maison en Toscane, des ris-de-veau de Benjamin Laborie, un pique-nique que David Grosdent du restaurant l’Envie m’avait concocté pour un superbe moment au bord de l’eau le lendemain d’un magnifique repas chez lui et puis un orgasme gastronomique chez Emmanuel Renaut à Megève en compagnie de Michel Grisard où j’ai pleuré à l’intérieur !

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L’endroit où vous vous sentez bien ?

L’endroit où je vis… C’est lui qui m’a choisi ! C’est ici que je me sens chez moi, isolé mais ouvert sur le monde. Un endroit où les amis viennent se ressourcer, voir comment leur Olivier mûrit. Un endroit qui appartient à chacun d’entre eux car sans eux, je ne serais pas là où je suis. Chacun à sa manière m’a encouragé dans ce choix. Un endroit qui n’aurait pas la même signification sans eux. Déposé entre deux vallons, s’ouvrant sur l’île du Giglio où j’imagine mon ami Francesco Carfagna boire un verre à ma santé. Et puis sur les parcelles en haut, l’horizon dans ce qu’il a plus de généreux à 360 degrés avec d’un côté le Monte Amiata et, de l’autre, les îles de l’archipel toscan : Giglio, Montecristo, Elba, Capraia, Gorgona et la Corse. Cette sensation de pouvoir les toucher du bout du doigt mais c’est juste une sensation. Car là-haut naît la notion d’ailleurs, avec l’imaginaire qui comble la contemplation.

On trouve quoi à coup sûr dans votre frigo à la maison ?

Un pesto de la maison Pastificio Dasso à Lavagna près de Gênes mais aussi leur ragoût de lapin, leurs pâtes produites sur place, farcies aux légumes de saison et l’image de leurs mains enfarinées qui les ont préparées sous vos yeux. Mon fils Matteo ne me pardonnerait pas de tomber à court !

Un premier jour, une première fois qui vous a marqué ?

Les premières fois sont nombreuses au regard de tout ce que je ne cesse de découvrir. Un 19 août 2010 en compagnie de Sébastien Kellner et Vanessa Cuevas sur un Bertani 1967, Un champagne Heidsieck Cuvée du Millénaire 1979. Un premier Foillard au Vin du Zinc à Paris avec mon ami Pablo… et mon premier Volpaiole avec mon ami Ludo pour un moment qui allait changer ma vie.

 

« J’ai honte pour la génération qui nous suit de leur remettre une planète dans un tel état. »

 

Un message que vous voudriez faire passer par rapport à votre métier ?

Il est primordial de comprendre et protéger notre agriculture artisanale, c’est un socle de notre civilisation. Et si nous ne nous battons pas pour conserver son statut au détriment de l’agriculture productiviste et industrielle, nous allons déshumaniser notre monde et donc perdre un capital émotionnel important de l’individu. Nous conférons aujourd’hui le mode réussite au seul secteur économique. Nous sommes éblouis par les réussites industrielles, c’est plus fort que nous ! Nous projetons ce qu’on croit qui pourrait nous rendre heureux. En Italie, Ferrero, ou Barilla, sont vus comme des fleurons nationaux. Ce sont des millions de facturés mais derrière ce parcours, nous ne retrouvons qu’un vide éthique et une arrogance qui ont finit par prendre le pouvoir. Nous n’avons plus de souveraineté alimentaire de qualité, ce qui importe, ce sont les volumes, c’est ce qui nous rassure. Et tant pis si l’on jette près de la moitié de ce que l’on produit, si les matières premières sont évaluées sur des bourses, si les surproductions sont en partie détruites pour ne pas faire tomber ces cours de bourses, si les manques de production sont compensées par des aides économiques, si 30 % des agriculteurs en France gagnent en moyenne 380€ par mois et tous les deux jours un d’entre-eux se suicide… Quel misérabilisme ! Ce modèle insulte l’intelligence silencieuse et timide du monde paysan depuis qu’il a cessé d’être nomade, depuis 10.000 ans… Sarkozy parlait d’un « modèle agricole français » avec des chiffres tournés pour nous faire comprendre que si on ne grandit pas on meurt alors qu’il s’agit d’un secteur sous perfusion qui mange le plus gros budget européen. S’il n’y a pas de co-financement de la PAC (la Politique Agricole Commune), le modèle de Sarkozy se désintègre… Moi je n’utiliserais pas « modèle » comme terme, mais plutôt déchéance ! Croissance est le mot brandit par tous les gouvernements, peu importe leur mouvance politique, mais ils devraient intégrer la notion d’épanouissement.
Je suis un entrepreneur et je l’ai été depuis toujours mais nous devons opérer un virage drastique pour retrouver de l’humanité, de la solidarité, de la coopération entre les individus. J’ai honte pour la génération qui nous suit de leur remettre une planète dans un tel état chaotique où une Commission Européenne est elle-même devenue le cancer de son propre projet, avec un Président imbibé qui nous rappelle à chacune de ses sorties que l’alcool est dangereux pour la santé ! Et ce commandant de bord d’un avion qui comporte près de 500 millions de citoyens illustre bien toute l’ambition que l’on porte à nos concitoyens. Il n’a pas été élu, je rappelle qu’il a été désigné !!! Quand on a aboli le service militaire dans la plupart des pays européens, on a fait une grave erreur en ne le remplaçant par… rien. Car consacrer une période de sa vie pour servir son pays, c’était une merveilleuse opportunité de rencontrer les réalités qui composent notre pays. Et puis, cela permettait des rencontres d’amitié, d’amour, de projet professionnels juste incroyables ! Un grand-père wallon caserné en Flandres y avait rencontré une grand-mère flamande, un riche découvrait les richesses d’un plus pauvre, etc. Aujourd’hui, on n’a plus accès aussi facilement aux autres compartiments que le nôtre, c’est d’une tristesse.
Donc comme je l’avais réalisé, il y a vingt ans pour la mise en œuvre du numéro d’appel d’urgence 112 en Europe, j’ai rassemblé autour d’un collectif citoyen qui regroupe vignerons, consommateurs, monde scientifique, experts légaux autour d’un projet TOWA (Transparency for Organic Wine Association) 15094300_10153942968966846_4289210146894051060_nqui rassemble des intelligences afin de faire pression auprès de l’Exécutif en lui soumettant des solutions pour vaquer vers des modèles de production qui préservent la Vie sous toutes ses formes. Celle de nos sols, de nos producteurs, de nos consommateurs. Alors oui, on affronte les lobbies des Monsanto, Bayer et toute autre forme de résistance au changement alimentées par un déni face à l’ampleur de la problématique. Oui, on se retrouve face à une montagne qui semble infranchissable. Mais aujourd’hui, je ne suis pas davantage déçu par les politiciens qui, somme toute sont dans un modèle hermétique, que par des citoyens léthargiques qui ont par contre, toutes les cartes en main pour inspirer l’écriture de la société dans laquelle il a envie de vivre demain ! Il doit réinvestir les arcanes de nos institutions démocratiques, présenter des solutions car nous jouissons d’un privilège extrême ici : nous pouvons exprimer nos idées mais davantage encore, les faire avancer, se battre et les concrétiser. Alors le temps que l’on n’a pas passé au service militaire, consacrons-le à améliorer notre projet de société ! Le 2 avril, nous organisons avec TOWA une conférence de presse au Parlement européen pour faire bouger les lignes. On voit bien dans nos soutiens politiques belges qu’il ne s’agit pas d’une question partisane avec Frédérique Ries (MR), Guy Verhofstadt (Open VLD), Louis Michel (MR), Marc Tarabella (PS) et Philippe Lamberts (Groen) derrière cette initiative. Par contre, on observe la possibilité du citoyen à les fédérer autour de questions fondamentales. Donc, c’est un devoir d’explorer les champs du possible !
Désolé si je m’emporte, Laurent, mais c’est le genre de question sur laquelle je suis inflammable !!! (Rires)

Quelque chose que vous n’avez jamais dit sur votre métier ? 51475066_800609310276554_1196175540424278016_n

En fait, je n’ai jamais parlé de son intemporalité et l’infinité de sa réinterprétation. Un père vigneron depuis quarante ans transmet le vignoble à son fils qui, en un millésime, va produire un vin qui ne s’est jamais fait auparavant. À la fois rien n’est figé et chacun a donc une possibilité de s’exprimer en fonction de ses propres ressentis, je trouve que c’est une transition extrêmement saine quand on a la possibilité de s’affranchir de ce qui nous a précédé !

La « crasse » à laquelle vous ne pouvez résister ?

Au retour des soirées estudiantines, on passait obligatoirement par la friterie de la Barrière Saint-Gilles, à l’époque tenue par des Grecs. Des souvenirs inoubliables… Dont un splendide avec Jeff Bodart, où j’ai battu un record fracassant de viandelles. Je pense ce record encore inégalé à ce jour. Mais je garde le nombre pour moi, je laisse le bonheur à mes comparses Fredouille et Fabian de vous le divulguer !

Un truc que vous utilisez en cuisine ?

Des herbes… sauvages ou cultivées. Mais le fait de sortir de la maison, faire quelques pas pour les cueillir et les retrouver dans le plat que je cuisine me plaît.

Un vin ?

Non ! A mes yeux, il n’y a pas de grands vins, il n’y a que de grandes bouteilles : celles qui appartiennent à un « moment », un contexte. Et là… (rires) Julien Guillot, Athénaïs de Béru, Benoît Marguet, Adrien et Guillaume Pire, Hervé Villemade, Alexandre Jouveaux, Richard Leroy, Michel Grisard, Dominique Belluard, Michael Georget, Stefano Amerighi, Sylvain Dittière, Fabrice Domercq, Jérôme Binda… Ca, c’est pour les préliminaires !

Une musique ?

Denis Prigent, album Live Holl a-gevret. Cette musique est en moi depuis 20 ans, elle a accompagné mes nuits blanches pour le 112 et me rapproche de mon ami Pascal Goffaux, le plus Breton des Bruxellois !

La dernière chose qui vous a fait rire ?

Matteo, mon fils, ce matin. Dans la coquetterie d’un garçon de 7 ans qui tente non sans peine d’aplatir les mèches d’une chevelure ébouriffée par la nuit. Ou cet après-midi, en rentrant de l’école… Il montrait une mine tellement déçue. En fait, il a perdu deux fois la même dent. Une première fois en mangeant ce midi car elle s’est décrochée de sa gencive, une seconde quand sa table a été débarrassée et qu’elle a terminé à la poubelle! Il était tellement triste de n’avoir rien à déposer pour la petite souris, et surtout rien recevoir en retour !!! (rires)

La dernière chose qui vous a rendu triste ?

La séparation d’avec Priscilla, la maman de Matteo. C’est pire qu’un deuil, c’est la vie qui se met sur le côté. Rien de plus triste que cet épisode ne pourra arriver.

51755751_286356802040642_6562580865736507392_nLe geste simple du quotidien qui vous fait du bien ?

Poser mes yeux sur ma petite tête blonde, lui tendre la main pour recevoir la sienne et monter les marches qui nous mènent à l’école ou encore ouvrir le livre d’histoires que nous dévorons tous les deux avant qu’il s’endorme.

Une cuisine ?

Une cuisine sans frontière géographique, simple dans l’apparence, fidèle dans une matière première irréprochable, qui n’est pas noyée dans un conceptuel. Une cuisine qui réconforte, qui donne la sensation d’exister, la sensation de vivre un moment.

Votre plus grand souvenir de table ?

Une table improvisée sur un banc dans le port de Trani, dans les Pouilles, en août 2007. Et juste 48 oursins achetés au pêcheur qui déballait ses trésors au retour de mer. Un souvenir en concurrence avec un bout de parmesan offert sous la table par un italien, dans un refuge au Camp de base de l’Everest en 1998.

Olivier, quelle question auriez-vous aimé que je vous pose?

Êtes-vous content d’être là ?…
Alors si je ne m’attendais pas à cette entrevue, j’en suis ravi, oui. Mais au-delà de l’entrevue, ça fait des années qu’on se croise sur les réseaux sociaux, je ris beaucoup quand je lis vos publications humoristiques, on a plein de connaissances en commun mais là, ça commençait à bien faire ! Il était temps qu’on aille manger ensemble !!!

Si c’était à refaire, Olivier ?

Ce que j’ai tenté de réaliser jusqu’ici est nourri d’un souci de contribuer à la société dans laquelle je vis et aussi un besoin de reconnaissance, j’ai besoin d’être aimé comme tout bon mammifère, et j’ai tenté d’y mettre toute ma sincérité. Je me suis battu pour le 112, je me suis battu pour ce projet de vignoble. Et jamais en choisissant la voie la plus facile. Même chose pour Matteo, je me battrai pour lui donner les outils qui pourraient lui servir afin qu’il puisse s’épanouir dans sa vie et lui offrir d’ici-là une enfance dans laquelle il ira puiser ses forces quand il la repassera dans sa mémoire. Oui, je suis ambitieux mais toujours dans le souci d’apprendre, comprendre, être utile aux autres. Désolé mais je ne supporte pas le gaspillage !
Et donc si c’était à refaire ? Non merci, j’accepte les règles du jeu. Je donnerais ma place à quelqu’un d’autre qui aurait envie de tenter… Et si je devais y retourner obligatoirement, je trouverais une doublure, comptez sur moi ! J’ai un frère qui ne traîne jamais très loin (Rires). En fin de compte, je me sens tellement privilégié d’avoir autant reçu de la Vie… Il ne faut pas regarder bien loin chez ceux qui me précèdent pour réaliser la chance que j’ai eue. Demander davantage serait déplacé ! Et puis, « c’est pas fini, j’ai pas fini… Je l’aime tant le temps qu’il reste » comme disait Serge Reggiani…

Propos recueillis par Laurent Delmarcelle entre Bruxelles et Campiglia Marittima, le 6 février 2019.