A Mouscron, une bâtiment plus que discret, humble, blotti dans une rue aux maisons alignées, on se dépayse en mode ‘scènes de la vie de province'. Attention ! Il ne s'agit pas ici d'une province engourdie et bedonnante telle qu'elle est souvent caricaturée par une intelligentsia des villes, ces censeurs-penseurs qui ne (s'en) sortent plus entre agitation et précipitation, entre starlettes de cuisines en carton-pâte et mirages éphémères portés au pinacle et retombant comme des soufflés. 

Ici, entre les mains d'un jeune chef, la Table peut redevenir cet espace fantasmatique où l'épicurien n'a plus besoin de fermer les yeux pour apprécier chaque instant. En phase avec ce credo hédoniste, le Vugo de Jérôme Axters réconcilie avec brio épure et générosité, talent et maîtrise. 

La salle à manger se vit en plusieurs atmosphères. Toute en longueur, elle s'ouvre d'abord sur un bar arrondi, quelques tables alignées, puis une autre pièce, lumineuse ; laissant deviner un joli jardin. Les lignes décoratives se retirent sur la pointe des pieds pour ne devenir plus qu'une impression douce et pénétrante. Cette voie royale, débarrassée du superflu, s'efface aussitôt devant l'assiette. 

Jérôme Axters a du talent. Son expérience acquise, polie et ciselée au Château du Mylord** et au Hof van Cleve*** de Peter Goossens, le chef offre une cuisine brillante : couleurs, épices, cuissons, produits, dressages, la panoplie est complète. Preuve de cette justesse abondante et d'un travail lisible et formidable dans les assiettes, on garde encore en mémoire la Langoustine en tartare, basilic, olive de Kalamata, enoki et glace aux oignons des Cévennes, la Dorade sébaste, betterave rouge, coriandre, bonite, tapioca et bien sûr le Canard Colvert, butternut, carotte, beignet, cuisse confite, jus de carcasse.

Le propos de Jérôme Axters est net, compréhensif et remarquable. Allons-y l'esprit libre, en joie, sans perdre de temps. 

LD