Gault&Millau : Un iceberg en mer du Nord ?

5 juin 2018

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Lors d’une récente conférence de presse donnée par leur CEO Marc Declerck à l’occasion des 15 ans du quinzième anniversaire du Gault&Millau Belgique, certaines informations importantes (ou plutôt non-informations), ont été dévoilées : le directeur sortant de la rédaction Philippe Limbourg ne serait pas fonctionnellement remplacé, mais ses fonctions seraient bien redistribuées entre les autres membres du management, tous flamands.

La communication sur le sujet était prête, certes. Mais bien simpliste. Philippe Limbourg était la partie (trop ?) visible de cet Iceberg stable qu’est le Gault. Dorénavant amputé de cette encombrante pointe, le vaisseau pourrait voguer plus paisiblement, comme en atteste le communiqué diffusé à la presse. Communiqué dans lequel le nom de l’ancien directeur n’est assez étrangement à aucun moment cité. Elégant. Les 30 inspecteurs continuant donc de sillonner les adresses partout en Belgique, avant de voir un comité de rédaction prendre les décisions et écrire les textes.

La vie est belle. Et encore plus dans les histoires. Mais revenons un peu sur les faits : l’ancien directeur visitait plus de 300 adresses par an, et avait créé un style propre au Gault&Millau Belgique, c’est indéniable. C’est (était ?) un guide à l’écoute du secteur gastronomique, prônant le dialogue avec les chefs. Nous n’allons pas nier les limites du système, et les accusations d’accointances diverses qui ont jalonné les 15 longues années de Philippe Limbourg… sans que rien ne puisse lui être reproché d’autre que sa proximité, soulignons-le. Il avait également réussi à créer un environnement réellement national. Il suffit de voir les critiques communautaires qui émaillent les dernières éditions du Guide Michelin en comparaison.

Que reste-t-il aujourd’hui du travail de titan de Philippe Limbourg ? Vu de notre partie francophone du pays, nous sommes en droit de nous poser des questions. Tout d’abord, le nouvel organigramme est criant d’évidence : aucun francophone dans le management réellement opérationnel ! Pour la proximité avec le guide, on repassera. Autre point crucial, le manque d’orientation que l’on peut craindre : Marc Declerck semble suivre le day to day de très haut et là où Philippe Limbourg donnait un style affirmé, on se demande qui gèrera la ligne directrice dans le futur. Gardera-t-on cette cette volonté d’équité linguistique ? Le mois de novembre nous apportera son lot de réponses, mais les résultats du Culinary Innovators proclamés la semaine dernière ne sont guère encourageants : aucun des prix n’est allé vers Bruxelles et le sud du pays!

Enfin, Gault&Millau semble clairement amplifier toujours plus ce qu’il a beaucoup reproché au Guide Rouge : le mélange des genres. Ces dernières années, les collaborations se sont multipliées : de la consultance en catering, des voyages culinaires à l’étranger, des partenariats avec les marques pour des évènements (tels Tomorrowland), jusqu’à la surprenante nouvelle d’il y a quelques jours : la consultance faite par Gault&Millau pour le Sporting d’Anderlecht, propriété de Marc Coucke (lui-même propriétaire de… 3 restaurants notés dans le Guide jaune).

Alors non, nous ne sommes pas encore au stade où le Gault&Millau peut être taxé de collusions directes avec des restaurateurs, non on ne peut pas encore dire que le guide est devenu flamand, mais plus que jamais les francophones de ce pays, restaurateurs comme suiveurs, doivent rester attentifs à ne pas laisser ce gros iceberg stagner en Mer du Nord.

François Caillot