Bistronomie, Michelin et post-bistronomie, grand entretien avec Yves Camdeborde : « Cuisiner est avant tout un acte physique »

19 mai 2015

Yves-Camdeborde-Stephane-de-Bourgies

C’est un chef de file sorti du rang. En ouvrant sa Régalade en 1992, Yves Camdeborde ne se contente pas d’encanailler le Tout-Paris à coups de terrines et de cornichons, il bouleverse le panorama culinaire parisien. Douze ans après – un bail ! -, le journaliste Sébastien Demorand, alors membre du guide du Fooding, met un mot sur ce qui est devenu une lame de fond : bistronomie. Avec le temps, ce néologisme devenu mot-valise s’est vidé de son sens à force d’être mis à toutes les sauces. Entretien.

Yves Camdeborde Stephane de BourgiesATABULA – Vous êtes considéré comme le chef précurseur de la bistronomie avec l’ouverture de la Régalade (Paris 14e arr.) en 1992. Lorsque le mot apparaît en 2004, comment réagissez-vous ?

YVES CAMDEBORDE – J’avais le sentiment d’être rabaissé. Je viens de la campagne, le bistrot, c’était le petit verre de blanc, le saucisson et le jeu de carte sur la table. Rien de plus. J’aurais préféré de loin le mot auberge et aubergiste. Mais le mot « bistronomie » s’est rapidement imposé.

Près de 23 ans après l’ouverture de la Régalade, et 11 années après l’apparition du mot « bistronomie », quel regard portez-vous sur le contenu même de cette catégorisation ?

Ca me fait bien rigoler : on parle de « bistronomie » partout, même à l’étranger. C’est ridicule. Nous, à l’époque, nous n’avions rien calculé du tout, ça il faut bien le comprendre. Ca été repris, amplifié, transformé. Aujourd’hui, c’est du business ; le fond a été perdu.

Comment avait réagi la presse et les guides à l’époque, lorsque ils découvrent la cuisine de la Régalade, petit restaurant situé dans le fin fond du 14e arrondissement, et bien loin du Crillon, palace situé place de la Concorde ?

La presse spécialisée et les guides m’ignorent totalement. J’ai été classé comme une petite table de quartier, rien de plus. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est la presse féminine qui s’est d’abord intéressée à moi. Du côté des journalistes spécialisés, seul François Simon, alors au Figaroscope, a senti ce qui se passait. Et, côté guide, il n’y a que le Lebey qui a flairé la tendance émergente. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, plus que l’émergence d’une tendance de fond, nous étions plutôt taxés de concurrence déloyale avec nos menus complets à 120 francs.

Et quelle a été la réaction des « grands » chefs ?

Ils sont nombreux à m’avoir dit que j’étais fou de quitter le Crillon, que j’étais en voie de ringardisation. Là aussi, avec le recul, cela fait sourire.

Néanmoins, à l’époque, cela ne devait pas être facile de quitter un palace pour ouvrir un petit restaurant à deux pas du périphérique parisien ?

Nous avons vécu – je n’étais pas le seul dans cette situation – un conflit générationnel. Nous étions plusieurs à ne plus nous retrouver dans les codes des grandes maisons…

Lire la suite de l’interview de Yves Camdeborde ici

par Franck Pinay-Rabaroust

Source Atablula.com