Dominique Loiseau : Bernard a paniqué

23 février 2013

Nous avons répercuté, il y a peu, l’article de l’Express « La vérité sur la mort de Bernard Loiseau ». Il nous semblait évident de partager la réponse de son épouse, Dominique.

Via bienpublic.com

Il y a un mois, un article de L’Express a suscité une polémique sur les raisons du suicide du chef de Saulieu. Dix ans après sa mort, son épouse livre, pour la première fois, sa vérité…

Que reste-t-il de Bernard Loiseau dix ans tout juste après son décès ?

« Guy Savoy disait : “Bernard Loiseau, ce n’est pas du vent. C’est une maison, une équipe, une cuisine.” Quand j’ai écrit un livre quelques mois après sa mort, je me suis rendu compte que Bernard avait fait en sorte que tout lui survive. La maison était pérenne financièrement, c’était devenu un très beau Relais & Châteaux, entièrement rénové au milieu d’une belle région. Nous avions tout pour continuer. En revanche, il ne pensait sans doute pas qu’on garderait trois étoiles ; moi-même, je n’avais pas cette prétention-là. »

Pourtant, elles sont toujours là…

« Deux mois après la mort de Bernard, je suis allée voir Derek Brown, le directeur du Michelin, pour lui expliquer qu’on continuait. Surtout, je voulais savoir si on donne trois étoiles à un homme ou une prestation. “À une prestation”, m’a-t-il aussitôt répondu. Sur le chemin du retour, je me suis dit qu’il n’y avait aucune raison que les cuisiniers, les serveurs et les autres membres du personnel deviennent moins bons. Leur manière de travailler était tellement inscrite en eux. »

Comment avez-vous vécu les heures suivant sa mort ?

« Le regard que l’on porte sur vous, le fait que tout cela soit public : je me suis donnée à fond dignement, dès les premières minutes. Après un tel fait divers, si on ne se manifeste pas, on ne maîtrise plus rien. On m’a reproché de ne pas pleurer en public. Quand vous avez un restaurant comme le nôtre, vous ne pouvez pas vous le permettre ; nous sommes toujours en représentation, nous donnons du rêve… On a le réflexe de toujours offrir le visage accueillant que l’on doit présenter au client. C’est ce qui m’a aidé à faire face. Mais je pouvais toujours me réfugier dans un bureau, ou le soir chez moi… »

Le mois dernier, un article de L’Express laissait penser que Bernard Loiseau s’était suicidé parce que le Guide Michelin menaçait de lui enlever une étoile. Qu’en pensez-vous ?

« L’article évoque un rendez-vous que nous avions eu en novembre avec Derek Brown. J’y étais : c’est vrai, Bernard s’en est pris plein la figure ; mais à aucun moment il a été question de lui enlever une étoile et il s’est attelé à redresser la barre ; ce qu’il a réussi à faire. Ce que L’Express a écrit, c’est digne de France Dimanche ! Annoncer des révélations sans même respecter la chronologie des événements, ce n’est pas sérieux. Pour que ce magazine se sente obligé de faire ça, c’est vraiment qu’il doit être en perte de vitesse… D’ailleurs, il n’a toujours pas publié le droit de réponse que j’ai envoyé le 1 er février. Mais je ne lâcherai pas ! »

En tout cas, on voit que les motivations de Bernard Loiseau intriguent toujours, dix ans après…

« Au moment où l’article de L’Express est sorti, j’étais au Japon, où nous exposions au salon du chocolat. Et tous les Français présents ne parlaient que de cela ! J’étais très en colère et puis, en même temps, l’éloignement m’a permis de refaire le film des dernières semaines. J’ai tout analysé, nuit après nuit… »

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