Le Michelin n’est plus le Michelin

10 janvier 2013

Par Atabula.fr / Franck Pinay-Rabaroust


Ce n’est pas faire preuve d’un défaitisme excessif que de dire que le Michelin n’est plus le Michelin. Le guide du pneu ne tournait plus rond depuis longtemps et, tôt ou tard, la sortie de route devenait inéluctable. Filialisé, sommé de réduire les frais, statuts modifiés des fameux inspecteurs, le guide rouge n’est de plus en plus que l’ombre de lui-même. Et l’ombre étant par définition plus sombre que son sujet (réfléchissant ?), l’avenir ne peut plus être radieux.

Pour justifier mes propos – dont je déplore les conclusions – quelques exemples et digressions à travers trois articles de presse parus récemment.

Article du magazine Hôtellerie-Restauration – 10 janvier 2012

Un croissant pour causer croissance…

Voilà probablement là le plus fort symbole du changement profond de fonctionnement du guide et de ses équipes : inviter divers présidents (des Logis de France, des Relais et Châteaux, etc.) à un petit-déjeuner pour discuter des évolutions en cours du Michelin avec le grand patron du groupe. Du jamais vu. La firme clermontoise ne vit que dans le culte du secret, les anciens locaux de l’avenue Breteuil étaient protégées comme un bunker (gardiens, carte magnétique pour entrer dans l’immeuble, puis pour rentrer au fameux troisième étage…) et voilà que l’on cherche l’assentiment des Ducasse, Robuchon, Pic et consorts – ceux-là même qui sont « jugés » par les inspecteurs… – pour valider la stratégie. André Michelin doit s’en retourner dans sa tombe…

Pneu et restaurants, même combat

C’est une petite phrase sibylline lourde de sens : « Bien sûr, il aide à l’image de la marque Michelin… » Ce « il » concerne le guide Michelin et l’auteur de ces paroles est Jean-Dominique Senard, le big boss. Bien évidemment, le siège de Clermont-Ferrand n’est pas philanthrope et, depuis l’origine, le guide se doit de servir les intérêts du célèbre manufacturier. Tout le monde le sait, nul secret, nul aveu dévoilé ici. Mais, sauf erreur de ma part, c’est la première fois que le grand patron du groupe le dit aussi clairement. Doit-on regarder les guides des villes japonaises – haut lieu de l’industrie automobile – et la pluie serrée d’étoiles sous un prisme différent ? Pour un début de réponse, je vous renvoie vers une enquête complète sur les liens « caoutchoutés » de la firme et du guide (Lien vers l’enquête).

Un site, je te cite, tu paies, je te cite davantage. Qui dit mieux ?

Depuis longtemps, l’inspecteur ignore le service marketing ; et le service marketing le lui rend bien. Mais demain, les choses seront un peu différentes : l’inspecteur sélectionne et écarte, le marketing ramasse le tout-venant ! Ô, bien évidemment, le site précisera que telle ou telle adresse a été sélectionnée par le guide et vaut mieux que les autres. Mais là, nous sommes au cœur des nouvelles incohérences du guide, avec un mélange des genres qui n’est pas tenable. Moitié guide, moitié pages jaunes, avec encart supplémentaire à 69 euros par mois, système de réservation et commentaires en vue. J’ai hâte de lire un commentaire désobligeant sur une mauvaise pizza à Trifouillis-les-Oies à côté d’un autre commentaire sur le nouvel établissement étoilé de la région… Les équipes du guide viennent de s’engager dans une voie dont ils n’ont absolument pas mesuré les conséquences. Les questions des invités au petit-déjeuner ont d’ailleurs fusé et les inquiétudes étaient fortes. Les réponses ne semblent pas avoir été à la hauteur des attentes !

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