Le zeste qui sauve

24 septembre 2012

Par Blog Tendre et Saignant

Du cédrat au yuzu, les agrumes dégainent une palette gustative bluffante.

Dans la petite cuisine de son hôtel restaurant de Portivy – Le Petit Hôtel du Grand Large – Hervé Bourdon fouille les frigos à la recherche de son magot. Avec un soin jaloux, cet ancien fils de pub reconverti dans la gastronomie manipule d’étranges caisses comme si elles contenaient des lingots d’or.

Le vent et les embruns qui s’écrasent sur la vitre – on se trouve sur la presqu’île de Quiberon – confèrent à la scène un air de flibuste. Pour mieux camper l’atmosphère, l’œil malicieux, le noir du sweat-shirt No Sousaï Corporation et le bouc sombre du chef s’amusent à lui donner des allures de Jack Sparrow du fourneau. D’un petit cageot en bois, il exhibe un bouquet de formes oblongues. Des doigts d’enfants ? Non, il ne mange pas de ce pain-là… il s’agit en réalité d’une main de Bouddha.

Un cuisinier déicide ? Un taliban en exil, fébrile de pouvoir enfin exhiber une relique extirpée parmi les décombres des géants de Bâmiyân ? La nouvelle risque de faire couler de l’encre à la une du Ouest-France – édition du Morbihan. Du bout de l’ongle, l’apprenti pirate rassure le visiteur : la chair qu’il gratte délicatement ne dégage aucune odeur de meurtre, au contraire un agréable arôme citronné-orangé, plutôt doux, vient chatouiller les narines. La main de Bouddha – en latin le Citrus Medica Digita – n’est en réalité rien d’autre qu’un agrume originaire du Sud-Est de l’Asie.

Depuis qu’il l’a découvert, Hervé Bourdon le vénère. Au point que ce fruit étrange est devenu en peu de temps un ingrédient essentiel de sa cuisine. Satisfait de la surprise qu’il vient de créer, Hervé Bourdon sort un autre doigt du cageot, plus potelé celui-là. De couleur rose brillant, le Citrus australica est un autre de ses protégés.

Il l’ouvre prudemment pour en exhiber une multitude de vésicules colorées semblables à de petites perles. « Si l’on exerce une légère pression avec les dents, ces vésicules libèrent un jus rafraîchissant dont le goût citrique est teinté d’une note subtile de térébenthine. Grâce à cette particularité, cet agrume offre au naturel ce que la cuisine moléculaire obtient à travers le processus de sphérification inversée, soit la gélification contrôlée d’un liquide. C’est cette texture particulière qui vaut à ce fruit le nom de citron caviar. » Lire la suite…