Parce que cela est juste et bon.

De nos jours, la restauration à Bruxelles s'énonce plus formatée que jamais. On ne compte plus les enseignes dopées aux effets de modes pompés et pompeux, les adresses perfusées par une intelligentsia marchant au pas et aux effets d'annonce, hurlant au génie absolu devant l'alignement de trois légumes oubliés. Le défilé des concepts météores a toujours existé. Et plus le temps fait son oeuvre, plus il nous ramène à nos bases.

Réjouissons-nous ! Il subsiste pour notre plus grand bonheur quelques îlots de résistance. Des maisons où le temps est à la répétition des gestes justes et nobles, ces tables où l'exercice du quotidien ne s'habille pas de mouvements étriqués, où l'on ne connaît pas l'économie des émotions. Ils portent sur leurs épaules la lourde responsabilité d'une gastronomie nationale originale.

Et là, précisément, à Bruxelles, entre le Sablon et les Marolles, il continue inlassablement son oeuvre, Dirk Myny.

Bienveillant et habité par la volonté farouche de donner du bon, il poursuit sa voie en répandant son appétit de vivre et partageant sa dévotion goûteuse et généreuse de la table.

Né d'un père flamand et d'une mère wallonne, Dirk Myny est de ceux-là. Pour contrer l'uniformisation, le chef s'est emparé de la cuisine dite de brasserie pour la réinterpréter et en redorer les contours. Obsédé par la sapidité, Dirk Myny a fait du produit le centre de son travail. Pour ce faire, il privilégie le local mais n'hésite pas à glaner le meilleur d'autres terroirs quand une préparation l'exige. Son terroir, c'est la gourmandise. Chaque assiette est unique, car chaque produit est unique et ici, la cuisine n'est pas pesée. A la recherche d'une authenticité, Dirk Myny vous fait partager une cuisine traditionnelle qu'il revendique et réinvente continuellement, une cuisine qui sonne juste.

Cela donne quelques temps forts dont son désormais célèbre « Zenne Pot », soit du chou cuit à la gueuze présenté sur un lit de bloempanch, saucisse sèche et bulots. Le tout pour un jeu subtil sur l'acidité. Mais il y aussi ses incessantes variations autour d'un incontournable : le Vol-au-vent. On garde en mémoire cette déclinaison saisonnière à base de faisan, chicons et choux de Bruxelles, mousseline à la gueuze et frites et tout récemment cet Ecrasé de pommes de terres Charlotte, beurre noisette et crevettes grises. Un plat simple qui marque au coeur.

Le cadre, lui aussi, fait de la résistance. Situé dans un ancien bureau de poste transformé en un restaurant de style art nouveau qu'il a repris il y a plus de 25 ans, le théâtre des Brigittines est rythmé entre tableaux d'époque, murs verts, grande cheminée, boiseries et lignes sensuelles, on est transposé dans un ailleurs gastronomique, là aussi loin du consensus actuel.

Un mot, un dernier, sur la carte des boissons. En toute logique, la sélection sort des sentiers battus où reposent quantité de crus insoupçonnés. On y découvre, entre autres, l'une des plus belles cartes de vins d'Alsace de la capitale. Dirk Myny connaît les vignobles de cette région sur le bout des doigts. Partageant sans fatigue son plaisir de la découverte, il peut vous proposer des vins inédits plutôt que des marques visibles ou une perle brassicole telle que la gueuze Cantillon.

LD