Marc Veyrat, l'éternel retour

31 août 2013

Via : Lefigaro.fr

Après cinq ans d’absence, le chef au chapeau nous revient aussi sage qu’impatient, avec une (bonne) cuisine : minérale et pastorale. Son restaurant, La Maison des Bois, vient d’ouvrir à Manigod, près d’Annecy !

Il revient de loin, Marc Veyrat. C’est comme si un camion lui était passé dessus. Une méchante chute de ski, des opérations à la chaîne, le corps fusillé, trituré, rafistolé… Il avait disparu des écrans radars. Plus de déclarations à l’emporte-pièce, de défis idéalistes, de plats pour le show-biz, et cet ego gros comme une montagne. Il devait nous manquer probablement puisqu’il nous est de retour: tout neuf, presque adolescent, les yeux lavés, le cœur candide, la main dessus. Il est à deux doigts de la sincérité et de lui-même. Vous imaginez le chemin parcouru!
À l’entendre, il ne veut plus «émerveiller» dans l’assiette (même s’il y arrive encore) mais y raconter un peu sa vie. Ce «rebelle versé dans l’alimentaire, car bon à rien», aura porté sa croix pendant quatre ans. Il a médité, réfléchi. Et puis pof, voici des plats pastoraux, calmés, minéraux: un œuf somptueux cuit dans la glaise avec carvi et oxalis ; des grenouilles et des jeunes pousses de polypodes (catapultées par un côte-rôtie de chez Clusel-Roch), une tartiflette virtuelle et puis une canette sauvageonne enveloppée dans une écorce de la forêt.
Il y a toujours du spectacle dans la cuisine de Marc Veyrat, du mauvais goût (les coussins des banquettes style boîte de nuit), mais maintenant, le paysage est presque débarrassé. Net. Pas de construction à l’épate, mais un rentre-dedans assagi, concis, portant. Le cadre, une ferme d’hôtes juchée à 1 650 m d’altitude, est rustique dans son bricolage spontané, loin des Fermes de Marie et ses poutres angéliques. Il donne sur les Aravis et un totem à l’effigie du maître des lieux. Ce dernier le regarde presque comme témoin d’une autre époque, celle dont il se débarrasse lentement. Pour rejoindre une autre lumière.
LE FIGARO. – Allez-vous continuer tout votre cinéma avec le chapeau et la cueillette scénarisée des herbes?!
Marc VEYRAT. – Mon chapeau? N’y comptez pas! J’y tiens trop. Je suis trop fier de le porter. C’est mon histoire. Mon grand-père venait me chercher avec à l’école laïque, suivi de son troupeau de chèvres. Il y avait dessus des myrtilles, des fraises des bois. Personne ne pourra me l’enlever. Les herbes? J’ai fait des conneries au début à me laisser filmer par les télévisions. J’ai fait plein de bêtises. Surtout médiatiques. Un peu trop. Ça apprend à vivre.
Comment allez-vous?
Je suis en pleine forme, bien remis de mon accident en 2005. J’avais percuté ma fille en skis avant de manger un pylône et son rocher. J’étais cassé de partout: fractures des lombaires, enfoncement de la cage thoracique, épaule droite cassée, la jambe gauche en vrille, les cervicales en vrac…
Vous êtes un revenant, ou un survivant?
Un peu les deux. Je ne pouvais plus tenir sans morphine. J’ai passé cinq ans sur des béquilles. Or, vous voyez, je suis un chef en cuisine, moi. Je ne triche pas. Quand on apporte une addition musclée comme les nôtres, on se doit d’être là. Je ne me vois pas filer les clés des fourneaux à un second et me balader partout. Il faut que je sois là. Sinon à quoi ça sert?! J’ai dû vendre la ferme de mon père à Megève. Je dirigeais 140 personnes, et, tout à coup, je n’avais plus rien. Je suis devenu tout petit. Ça a été un choc. Un chirurgien d’Annecy m’a loupé royalement ; le Pr Chambat, de Lyon, m’a repris. Il a retiré de mon corps un tas de ferrailles. Et me revoilà!
Aujourd’hui, vous allez vraiment ouvrir votre restaurant?

Ah, oui! J’ai fait trois ans de travaux ici. J’ai le syndrome des architectes: rien n’est jamais vraiment fini. Mais là, ça y est! C’est reparti! J’ai encore mon restaurant à Veyrier-du-Lac, que loue un jeune chef brillant, Yoann Conte. C’est un peu mon fils spirituel. Cet établissement porte encore le nom de La Nouvelle Maison de Marc Veyrat. On va revoir ça. Ici, nous serons une cinquantaine à travailler autour du restaurant, la Fondation, le laboratoire… Et puis, à côté, je collabore avec Redzel, un spécialiste suisse des condiments ; et GL Events, qui travaille dans l’événementiel (Madonna, les Bocuse d’or.).
Et Paris, c’est fini, cette fois?!
Bah, un jour, on m’a dit: n’y va pas, c’est pas fait pour toi. On avait raison. Cela dit, j’ai toujours un projet en cours de petite restauration. Des food trucks Marc Veyrat. Et puis, je vais vous dire, lorsque je vois un jeune en cuisine partir dans le bois ramasser du carvi, c’est mieux que de descendre à l’économat en troisième sous-sol demander du cumin. Ici, nos œufs n’ont pas de numéro sur la coquille!

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