Salut Arold…

18 novembre 2024

(Le Little) Paris ne s’éveillera plus.


Il est de ces lundis de novembre que l’on ne voudrait jamais connaître.
De ceux où des nouvelles glaçantes vous font perdre pied et vous font vous rendre compte que la vie a plus que jamais besoin qu’on la savoure, chaque instant. Entre amis, avec ses proches, et ceux qu’on aime.
Car des moments de partage et de plaisir, on en a vécu chez toi, Arold Bourgeois. Alors que la nouvelle est tombée ce matin, que l’on ne te verrait plus et que ton cœur s’était arrêté cette nuit, c’est un torrent de souvenirs qui a déferlé chez chacun des épicuriens que compte ce pays (et celui d’à côté, le tien). Non, pas toi. Pas maintenant, pas si vite. On devait s’appeler, on s’était vus, on s’était entendus mais tout ceci est top court, trop loin et nous laisse un goût amer, un goût auquel tu ne nous a jamais habitués, que du contraire, le goût de trop peu…

Dès notre rencontre, dans un « Litlle » fraîchement ouvert dans cet ancien salon de glace que tu peinais à remplir au début, on était d’emblée séduit par ta franche camaraderie, ton accueil chaleureux et ton talent de cuisinier. Sous le couvert d’une humilité à laquelle tu avais été habitué au milieu des strass parisiens – tu y avais été quand même élu meilleur traiteur de Paris, tu avais progressivement réussi à hisser au rang de cuisine étoilée, un bistrot de copains.

Et des copains, on en a rencontré chez toi. Tu as convaincu des Jaguar et des Mercedes entières à boire du vin nature, tu as fait  aimer le pis de vache aux fins becs de Uccle et fait manger avec les doigts des gens pourtant nés avec une cuiller en argent dans la bouche. Tu rassemblais, de manière unanime, autour de ta cuisine et de ton comptoir où l’on se battait pour avoir son rond de serviette. Tu as fait bouger les codes de la cuisine et même ceux des guides. Tu as marqué de ton empreinte le paysage gastronomique (et bistronomique) belge, toi, le parigod qui était tout sauf un salaud.

Aujourd’hui, le Little est fermé et toi, tu as éteint ton fourneau pour toujours.

On pense évidemment à Marie et aux enfants et plus que jamais, on sera à leurs côtés car tu nous laisses tous orphelins. Tu vas nous manquer lapin…

Philippe Limbourg