Vastes fraudes sur les vins en France : Labouré-Roi dans la tourmente

13 juin 2012

Les dirigeants de la 3ème maison de négoce bourguignonne ont été placés en garde à vue par les gendarmes de la section de recherches de Dijon. Ils ont été entendus sur une impressionnante série de tricheries.

Tricherie sur les étiquettes, mélanges de vins, fausses médailles… L’affaire risque de faire éclater un véritable scandale : les enquêteurs de la section de recherches de la gendarmerie de Dijon, qui menaient depuis 18 mois une enquête sur la maison Labouré-Roi, 3e maison de négoce en vins de la Bourgogne, installée depuis près de deux siècles à Nuits-Saint-Georges, ont mis au jour, avec l’aide des spécialistes de la brigade interrégionale d’enquête des vins de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), une énorme arnaque.

Un système de tricherie massif et très organisé, découvert en menant des investigations financières, sous l’autorité du parquet de Dijon, sur les flux de la comptabilité de l’entreprise, et en épluchant des centaines de documents.
Quatre années de triche

Ce qu’auraient découvert l es enquêteurs est édifiant : entre 2005 et 2009, plus de deux millions de bouteilles auraient été vendues avec des étiquettes ne correspondant pas au contenu. La maison Labouré-Roi, qui est aussi un éleveur réputé, aurait également créé des excédents en trichant sur les quantités de vin manquant naturellement dans les tonneaux pendant l’élevage (la « part des anges »), et en comblant ces manques avec des vins de table. Des vins coupés auraient également été mis en bouteille, et des médailles qui n’existaient pas auraient été apposées sur des étiquettes pour des produits qui n’avaient pas obtenu de prix.

Grands crus, premiers crus ou appellations village, l’ensemble de la production de la maison de négoce nuitonne serait concernée.

La semaine dernière, l’œnologue de Labouré-Roi, puis l’administrateur, et enfin jeudi les deux patrons de l’entreprise, Armand et Louis Cottin, des hommes d’affaires âgés de 82 et 83 ans dont les activités sont cotées en bourse, ont été placés en garde à vue dans les locaux de la section de recherches, à Dijon.

Plusieurs perquisitions avaient été menées à Nuits-Saint-Georges, dans les locaux de l’entreprise, et chez son fournisseur de logiciels.
Un coup dur pour la Bourgogne viti-vinicole

Aucune information n’ayant été ouverte au cabinet d’un juge d’instruction, les quatre personnes entendues par les enquêteurs devraient être traduites directement en justice.

Le dossier n’est certainement pas pour autant clôturé : il ne fait aucun doute que les inspecteurs de la direction régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi vont également s’intéresser aux vins actuellement stockés par la société de négoce, et un dossier fiscal pourrait également être ouvert. Le préjudice (au-delà de l’image) pourrait atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros.

Quoi qu’il en soit, le coup est dur pour la Bourgogne viti-vinicole, déjà touchée par la mise en examen d’un négociant beaunois pour une vaste fraude aux AOC Bourgogne (voir nos éditions du 31 mars) : la maison Labouré-Roi est une référence mondiale, qui travaille avec plus de 30 pays et réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’international. Elle est également le plus grand fournisseur de vins de Bourgogne aux compagnies aériennes et aux croisiéristes de luxe. Enfin, elle travaille avec une centaine de viticulteurs répartis sur la Bourgogne entière.

Pour M e Emmanuel Touraille, avocat de Labouré-Roi, joint hier, « au moment où les contrôles ont été effectués, la situation était en train de s’assainir. Nous sommes trois ans après la fin de la période contrôlée, et on se rapproche aujourd’hui d’un taux d’erreur proche du zéro. La direction a assumé la situation. Oui, il y a eu des choses qui n’étaient pas correctes, mais nous les avons corrigées. Il y a de plus des manipulations dans la cave qui pouvaient ne pas être volontaires. J’insiste sur le fait que la société a complètement collaboré avec les enquêteurs, quel que soit le service auquel ils appartiennent. Nous sommes, depuis le début, en contact permanent avec les enquêteurs. Il n’y a eu aucune mise en examen. Rien n’est égal à ce qui existait il y a 5 ans, c’est pourquoi nous avons obtenu ce traitement, sans ouverture d’information auprès d’un juge d’instruction. Il y a eu une prise de garantie. Je le répète : dans cette affaire, la transparence de la société et de ses dirigeants a été totale. Il n’y a eu aucune obstruction. Les dates d’audition des personnes entendues ont été fixées à l’avance. Le but, c’est de préserver l’emploi. Les propriétaires de la société, qui ont plus de 80 ans, sont deux hommes qui n’en peuvent plus. Il y a environ 70 emplois à la clef. » (Source Le Journal de Saône et Loire)