Le Faire-Savoir, chaînon manquant de l’artisanat wallon ?

7 novembre 2019

Le Chef doublement étoilé Christophe Hardiquest nous confiait il y a peu que, ces dernières années, il était de plus en plus marqué par la qualité et la diversité des produits artisanaux créés en Wallonie, mais que le manque de visibilité de ceux-ci l’avait conduit à engager un « chasseur de produits », une sorte d’Indiana Jones qui sillonnerait la Wallonie à la recherche du produit rare, de la pépite perdue. Cette histoire, aussi anecdotique soit-elle, peut mener à un questionnement plus large : Qu’en est-il de la visibilité des produits artisanaux wallons ?

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Manque de visibilité

Le constat de base est assez unanimement partagé : Il est difficile pour le consommateur, qu’il soit particulier ou professionnel, d’avoir une vue globale de ce qui est créé, produit et commercialisé en Wallonie. J’y vois plusieurs raisons, dont 3 se détachent plus largement.
Tout d’abord, une raison historique : En Wallonie, nous n’avons pas du tout misé sur l’effet de « marque » comme cela été bien fait dans d’autres régions. Nous n’avons par exemple qu’une seule AOP porteuse de sens : le fromage de Herve. Une deuxième raison, qui en découle, est que nous manquons d’artisans qui atteignent une taille suffisante que pour gérer une communication efficace, ce qui reporte la responsabilité vers la troisième raison de méconnaissance de nos produits de qualité : La non valorisation par les services publics. L’APAQ-W est inefficace dans la promotion de nos points forts tant elle veut tout promouvoir. Cet organe, qui a toujours été géré un peu comme le « fait du ministre », manque cruellement de vision.

De l’artisanat en plein renouveau

Nous avons encore bien trop une vue poussiéreuse de l’artisanat wallon, engoncé dans du land-farm-men-graines-de-curieuxjambon fumé sursalé ou dans le beurre pasteurisé de grande surface. Cependant, il y a un vrai boum actuellement : entre savoir-faire traditionnel modernisé, création de coopératives innovantes (cf. la success story Graines de Curieux – photo) et produits novateurs, le secteur est hautement fertile et innovant, et va en se structurant.

L’étape suivante sera la fluidification de la commercialisation, de passer du Savoir-Faire au Faire-Savoir, en réinventant un modèle qui permet le prix juste pour le consommateur tant que pour le producteur. Cela passera inévitablement par de la communication hors des réseaux de distribution qui misent tout sur le prix, comme les grandes surfaces actuelles.

 

« Réinventer le modèle et passer du savoir-faire au faire-savoir. »

 

Espoir privé, espoir d‘Europe

Le réel frémissement de l’artisanat vient du monde privé et coopératif. Conscients de la 72125219_2449483911798999_6715962282544726016_nqualité des produits wallons et de leur potentiel de développement, plusieurs acteurs privés
ou associatifs ont investi le marché du commerce spécialisé, utilisant à souhait l’e-commerce. Nous pouvons ainsi lister parmi d’autres Topino, Paysans Artisans, Wallocale voire même OenoBelgium (photo : John – OEno Belgium) dans le monde du vin.

Ces acteurs créent le marché dans un contexte difficile et explosé (multiplicité des producteurs, et hétéroclisme des acheteurs) mais peuvent compter par contre sur la nouvelle mouvance du « consommer local » qui prend toujours plus racine. Malgré une charge de travail conséquente, ils assurent également la promotion des différents producteurs-partenaires.

A plus petite échelle, certains GAL (Groupe d’Action Local) ont également une action salvatrice pour l’éclosion et l’accompagnement en communication d’initiatives, même si c’est encore trop dépendant de responsables plus ou moins ambitieux. Le GAL Condruses (Groupe d’Action Local), qui a aidé des projets tels que Fungi Up, la Cidrerie du Condroz et encore d’autres projets à se faire une place doit faire figure de modèle en ce sens.

Pour une politique d’accompagnement

Le terreau pour la valorisation des produits wallons est là. Nous avons les produits, une clientèle consciente de la valeur de ceux-ci et des restaurateurs qui les utilisent toujours plus en en faisant leur promotion. Mais il nous manque une chose : la mise en commun des efforts. Et c’est pour cela que le dialogue doit primer dans l’avenir pour faire savoir, en Wallonie et au-delà, que la Région regorge de produits de qualité.

En cela, il est urgent que nous plaidions pour une mise à plat des moyens et des structures de promotion de l’agriculture et de l’artisanat, et que, tous ensemble, nous œuvrions pour une Wallonie des produits ambitieuse, chez elle et à ses frontières.

Jehan Delbruyère