Isabelle Saporta, auteure du livre Vino Business : « Quand une journaliste indépendante vient mettre son nez dans leurs affaires, ils sont prêts à vous dézinguer »

17 novembre 2014

Via Atabula.com par Franck Pinay-Rabaroust

Journaliste indépendante, Isabelle Saporta a bousculé le monde du vin et des grands châtelains bordelais avec son livre Vino Business. Attaques multiples, insultes, plaintes, tout l’arsenal y est passé pour déstabiliser une professionnelle qui ne s’en laisse pas compter. Entretien sans faux semblant et sans langue de bois.

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Que vous reprochent vos détracteurs dans le livre Vino Business ?

ISABELLE SAPORTA – Ce n’est ni plus ni moins qu’une levée de bouclier des grands châtelains et de leurs dévoués contre les vérités contenues dans mon livre. Leur volonté est claire : il faut protéger le magot créé et perpétué par le système mis en place. Lequel ne privilégie nullement l’intérêt collectif mais quelques intérêts particuliers. Et les sommes en jeu ne sont pas anodines. À Bordeaux, on compte rapidement en centaines de millions d’euros. Alors quand une journaliste indépendante vient mettre son nez dans leurs affaires, ils sont prêts à vous dézinguer et à vous attaquer sur tout et n’importe quoi.

Sur quels arguments portent leurs attaques ?

Il n’y a aucune attaque sur les faits présentés dans le livre puisque ceux-ci sont vrais, vérifiés et revérifiés ! Cela ne les empêche pas de mener des attaques permanentes depuis la sortie du livre en mars dernier. Insultes, menaces, attaques sexistes, j’ai eu le droit à tout. Un commentaire sur un blog avançait même que j’aurais été capable de vendre des juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Tout cela n’est que vomissements permanents. Avec un petit peu de recul, c’est bien la preuve que sur le fond, c’est-à-dire sur mon travail de journaliste d’investigation qui avance des faits précis, il n’y a pas l’ombre d’un reproche. Vous imaginez ce qu’il se serait passé s’ils avaient trouvé ne serait-ce qu’une petite coquille dans mon livre ? Non, il n’y en a pas, donc tout n’est qu’attaques personnelles pour me déstabiliser et me blesser.

Au final, il n’y a donc aucune contestation recevable sur les faits présentés dans votre livre ?

Quand je bosse, je vais au fond des choses. Tout ce que j’avance a été vérifié. Il suffit de voir le nombre de notes de bas de page pour comprendre. Quand on sort un livre d’investigation telle que celui-là, il est impossible de faire le boulot à moitié. À la nature des attaques, on comprend a contrario que le travail a été fait.

Ces attaques à répétition provoquent finalement une forme de publicité pour votre ouvrage. Mais pour vous, à titre personnel, cela ne représente-t-il pas une fatigue psychologique difficile à gérer ?

L’un des soucis est que ce sont des attaques gratuites, sans fondement mais surtout pour lesquelles il n’y a rien à répondre. Quand on vous insulte, que voulez-vous rétorquer? Il n’y a pas d’arguments pour lutter contre de telles bétises. Ca fatigue et ça use.

Envisagez-vous de porter plainte contre ceux qui sont tombés dans l’insulte et les propos diffamatoires ?

Je me refuse à entrer dans cette logique de la plainte. Mais, au regard de la nature de leurs attaques, heureusement que je ne suis pas comme ceux qui portent plainte pour un oui ou pour un non. C’est d’ailleurs ceux-là mêmes qui vous insultent à tout bout de champ qui dégainent la menace judiciaire pour vous intimider. C’est le monde à l’envers. La plupart de ces grands châtelains peuvent s’amuser avec des plaintes à répétition, ils ont les moyens financiers pour ça. Et voilà l’un des soucis de ce genre de situation : même si vous êtes irréprochable, leurs démarches vous obligent à prendre un avocat et à engager des frais. On marche sur la tête ! Au lieu de dilapider des fortunes pour m’emmerder, ils pourraient plutôt dépenser leur fortune pour aider des viticulteurs en difficulté comme ceux qui ont été touchés par les intempéries.

Deux plaintes ont été déposées contre vous, l’une au civil, l’autre au pénal. Où en sont les procédures ?

Concernant la première plainte en diffamation, le tribunal de grande instance de Paris m’a donné raison sur toute la ligne lors d’un jugement rendu le 29 octobre dernier. Concernant la plainte au pénal, j’attends ma mise en examen qui ne devrait pas tarder. Cela ravira sans doute mes détracteurs : ils pourront dire qu’Isabelle Saporta est mise en examen… Mais il faut bien comprendre qu’une plainte au pénal entraine automatiquement une mise en examen, cela ne préjuge donc nullement de la décision finale. Aujourd’hui, quand vous faites du journalisme d’investigation, si vous n’avez pas au moins un procès aux fesses, c’est à croire que vous n’avez pas fait correctement le boulot. Désormais, le journaliste d’investigation doit inclure dans son budget global le coût d’un avocat.

Pour lire la suite de l’interview, c’est ici.