La ville aux 60 000 restaurants

20 février 2008

«C’est la folie en ce moment», lance Billy Kawaja, jeune chef aujourd’hui établi en Chine. «Environ sept nouveaux restaurants ouvrent chaque semaine à Pékin.»

Il y a 60 000 restaurants officiels dans la capitale chinoise. «Ce sont ceux qui ont un permis et reçoivent la visite d’un inspecteur qui les classe selon la salubrité», précise Adlyn Adam-Teoh. Et c’est sans compter les nombreux petits stands mobiles où l’on vend de la patate douce braisée, des noix rôties ou des brochettes d’agneau.

Selon la fondatrice du service touristique Hias Gourmet, il ne faut pas croire pour autant que les Chinois passent leur vie au restaurant: avec une population de 15 millions d’habitants, si chaque foyer s’offre une sortie de temps en temps, c’est assez pour remplir les restaurants pékinois. «Pour les Chinois, la sortie au restaurant est encore considérée comme une gâterie», dit Mme Adam-Teoh.

Un pari tentant

Le dimanche matin, au café Saint-Laurent de Billy Kawaja, ils sont nombreux à se gâter. Les brunchs sont courus.

«Les Chinois ont de l’argent et ils veulent le dépenser, souligne le chef canadien. Ensuite, ils sont très curieux face à l’Occident et, donc, à la nourriture occidentale.»

Pour un jeune chef, le pari de la restauration en Chine est tentant. Les coûts de la main-d’oeuvre et des ingrédients sont encore incomparables à ce qu’ils sont ici, alors que souvent les prix sur les menus, eux, le sont. Les employés réguliers du café Saint-Laurent gagnent environ 150Y par mois, un peu plus de 20$. Le chef a droit à 50Y de plus. Une prime qui, ironiquement, ne lui paierait pas un petit-déjeuner dans le café où il travaille.

Kawaja offre un menu classique, haut de gamme. Il fume lui-même son saumon, achète du fromage français et utilise du boeuf wafu pour son classique «steak & eggs».

Et dire qu’il n’y a pas si longtemps, l’alimentation reposait essentiellement sur le riz et le chou. «L’assiette des Chinois a beaucoup changé ces dernières années. Nous avons maintenant des fruits et des légumes de saison qui viennent du sud de la Chine», indique Adlyn Adam-Teoh.

Et des chefs qui importent leur savoir-faire.

Des clients sélectifs

«Les Chinois sont dans une phase de découverte culinaire», estime Benjamin Devos, qui prétend tenir la seule «vraie» pâtisserie française de Pékin. Il faut le croire sur parole, parce qu’après le Japon et la Corée du Sud, c’est au tour de la Chine de succomber aux pâtisseries. On en trouve partout à Pékin. Elles offrent plusieurs spécialités locales, telles que le petit pain aux fèves rouges, la viande séchée et de nombreuses créations faites avec du jambon cuit chinois, qui ressemble au saucisson de Bologne du Québec.

Devos, lui, sert d’authentiques macarons, cannelés, brioches, croissants et autres baguettes dans ses trois Comptoirs de France. Au départ, ses clients étaient essentiellement des étrangers. Mais les Chinois se découvrent tranquillement un intérêt pour du pain qui a une croûte.

Selon Billy Kawaja, les goûts se raffinent. «Maintenant, ici, les clients chinois posent des questions. Ils veulent savoir quelle sorte de chocolat il y a dans la brioche. Il y a de la vraie gastronomie à Pékin, alors qu’il y a 15 ans, les étrangers qui ont ouvert des restaurants ici s’ennuyaient de leurs burgers ou de leurs chopines de bière. Ce n’était pas des gens de cuisine, c’était des gens d’affaires. Les Chinois ne connaissaient rien à la cuisine étrangère et on pouvait leur passer n’importe quoi. Ce n’est plus le cas maintenant.»