La carte mondiale du vin menacée par le changement climatique

16 février 2008

Château Margaux devra-t-il un jour émigrer au nord de la Loire? Vendanges précoces, vins plus durs et moins aromatiques: le changement climatique menace de bouleverser la carte viticole mondiale ont alerté vendredi des experts à Barcelone.
« Les conséquences du réchauffement climatique se font déjà sentir. La vendange intervient déjà dix jours plus tôt qu’avant dans presque toutes les régions vinicoles », a mis en garde le Français Bernard Seguin, à l’ouverture du IIe congrès international sur le changement climatique et le vin.

Plus de 350 experts – producteurs, scientifiques, oenologues – de 36 pays, dont l’Espagne, la France, l’Australie, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, participent à ce congrès de deux jours dans la capitale catalane.
La réunion s’achèvera samedi par une vidéo-conférence de l’ancien vice-président américain Al Gore, reconverti en apôtre de la lutte contre le réchauffement planétaire.

« Le vin et la carte de la viticulture changeront d’une façon qui dépendra de la manière dont nous affronterons » le réchauffement, explique à l’AFP Bernard Seguin, responsable de recherches sur le climat à l’Institut national de la recherches agronomique (Inra).

« Si la température augmente de 2 à 3 degrés, nous pourrions faire en sorte que le Bordeaux reste le Bordeaux, le Rioja le Rioja, le Bourgogne le Bourgogne. Mais si elle augmente de 5 à 6 degrés, il faudra faire face à de grands problèmes et les changements seront très rudes », a-t-il pronostiqué.

Le vin doit en effet mûrir lentement. Une maturation accélérée par la hausse des températures, associée au manque de pluies, nuit au raisin et au vin lui-même.

« Avec un raisin qui mûrît plus rapidement, on obtient des concentrations en sucre plus fortes, une baisse du taux d’acidité et un PH plus élevé », souligne Fernando Zamora, chef de la Faculté d’oenologie de l’Université de Tarragone.

Conséquence: des vins plus durs, avec un taux d’alcool supérieur, un taux d’acidité réduit, cocktail nuisible aux nuances aromatiques qui font les délices des amateurs de grands crus.

Cela entraînera en outre une hausse des prix dans les pays qui taxent le vin en fonction de son degré d’alcool.

Selon Vicente Sotes, professeur à l’Université Polytechnique de Madrid, « les variétés vont changer dans presque toutes les régions ».

Et certaines régions viticoles qui ont toujours produit du bon vin, ne bénéficieront plus des conditions climatiques idéales qui ont contribué à leur renommée mondiale.

« Les Français auront des problèmes », notamment dans le Bordelais, estime Pancho Campos, le président de l’Académie du Vin d’Espagne, organisatrice du Congrès de Barcelone, dans une interview au quotidien catalan El Periodico.

En prévision des changements, « il y a des producteurs de Champagne (nord-est de la France, ndlr) qui ont acheté des terrains dans le Sussex et le Kent », dans le sud de l’Angleterre, assure-t-il. Les producteurs allemand des rives du Rhin seront selon lui les plus épargnés en Europe.

Les grands crus français pourraient avoir du souci à se faire face à leurs concurrents australiens, californiens, chiliens, argentins, sud-africains et néo-zélandais, qui bénéficient de meilleures conditions climatiques.

« Les pays de l’hémisphère sud jouissent d’une masse d’eau supérieure, or les courants marins sont le mécanisme qui maintient la température à son niveau », explique Pancho Campos.

Deux oenologues de renommée mondiale, les Français Michel Rolland et Jacques Lurton, devaient participer vendredi soir à Barcelone à une dégustation de vins affectés par le changement climatique… et livrer leurs âpres conclusions. (Source AFP)