Comme une évidence, déjà.

En tirant à peine sur les jours et les semaines, on est à deux grosses années d’existence. Poser un pied au Bistrot Blaise, au cœur de Marche-en-Famenne, c’est ne recevoir que sourires et bienvenues. Il y a dans la maison de François-Xavier Simon et Hanna Matyja, ce désir ultime d’installer chez eux un vrai climat de bienveillance, une convivialité nette qui gagne d’emblée le convive ; une sorte de « on va prendre soin de vous » qui traduit à merveille l’esprit de ces magnifiques aubergistes, au sens noble du terme. Et Il faudrait avoir le cœur raide et éteint pour ne pas les rejoindre dans cette valse accueillante.

Enfant de la région, le chemin de FX est cousu de lettres dorées : Ecole Hôtelière à Namur, Georges V à Paris, puis les brigades de Joël Robuchon et ‘Il Pagliaccio’ à Rome, avant de rejoindre douze années durant celui qui sera pour toujours son mentor, Pierre Gagnaire. Complice de cœur, de certitudes et de doutes, Hanna rayonne sur la salle à manger d’un service allègre ; elle qui, polonaise de naissance, a bougé de sa terre natale vers Deauville d’abord, puis Paris et le George V, là où son sourire et sa joie de vivre résonnent encore.

Le projet du Bistrot Blaise est né, a pris corps et a grandi pendant les moments confinés. Les instants suspendus ont cela de bon et beau de laisser s’installer le temps, d’autoriser la respiration des esprits, de voir germer les idées et faire naître les projets. Faisant jour de ce domaine du possible, faisant que ces âmes fortes et bien inspirées choisissent de révéler que de rien puisse naître tout.

L’histoire le ramenant comme une évidence à sa terre et à sa famille, et à sa grand-mère, cette Mamie qui tenait autrefois une épicerie, de ces petites boutiques aux grands trésors que nous avions tous près de chez nous. Une Mamie vers qui les foules se déplaçaient en période de chasse pour y trouver les plus beaux gibiers. Nostalgie chérie.

De la cuisine de FX Simon, outre une nature profonde et une identité rare, on sent une ouverture sur la terre entière ; comme si l’homme avait absorbé tous les terroirs, toutes les épices et tous les parfums du monde. Un sentiment nourri par ces petits détails, ces toutes petites choses qui nous prennent, nous surprennent et nous emmènent sans qu’on s’y attende ; ici une épice délicate, là une acidité bien fichue. Une cuisine, pensée avec brio et exécutée en cœur par une jeune brigade habitée par la passion et entièrement marquée par la personnalité de son chef : bardée de goût, solaire dans son âme, lisible, audacieuse et maîtrisée, où chaque élément vient apporter à l’ensemble. Brillant.

Coup de cœur absolu pour le départ avec la Poitrine de cochon demi-sel marinée puis grillée, épinards à l’ail, julienne de choux blanc et vert, oreille de cochon croustillante, huîtres Anceline pochées au beurre puis taillées, brunoise de ‘Belle De Morteau’, sauce vin rouge et les Cuisses de grenouille au beurre mousseux, fondue de poireaux, crème parmesan et guanciale grillé, les parties modestes servies sur un toast melba, maquée à l’huile verte, radis rose. Pour suivre la Noix de ris de veau meunière, brunoise de champignons vin blanc-moutarde, jambon blanc, gros gnocchi de pomme de terre Nduja, croustillant de rognon du veau, iceberg, soja et beurre de cacahuète, jus au ‘5 sansho’ et le Suprême de volaille fermière, homard bleu ; le suprême juste rôti, le homard roulé dans un beurre noisette citronné, radis glaçons cuits et glacés au jus de chou rouge et la cuisse et les pinces servies dans un tortellini bisqué, cima di rapa.

Il est des hommes qui créent des liens entre les produits, les assiettes et les émotions, nos émotions. Comme un retour à la vie, comme une évidence, déjà.

LD