Là où la cuisine parle en murmurant

En entrant chez Enishi, au seuil de Waterloo, on a l’impression de quitter la chaussée bruyante pour glisser dans un espace où la lumière respire autrement. La salle s’étire en lignes claires, en bois blond, en pierre bleue qui capte la douceur du jour. Rien ne cherche à éblouir. Rien ne force le regard. C’est une maison qui invite d’abord au calme, au silence, au temps.

Dans ce décor de retenue, Toshiro Fujii a trouvé son lieu, peut-être même son lieu véritable. Pendant des années, il fut l’un des bras les plus précieux de l’Air du temps, façonnant dans l’ombre des assiettes d’une précision rare. Puis il a emprunté son propre chemin, à Bruxelles, ailleurs, entre créations personnelles et fidélité à ceux qui l’ont formé.

Ici, au cœur d’Enishi, Toshiro cuisine enfin à voix basse. Sa cuisine ne s’impose pas ; elle approche. Elle ne cherche pas le sublime ; elle le laisse venir. Elle avance comme un souffle, un geste qui ne demande qu’à être reçu.

Les assiettes du moment racontent cette délicatesse : Saint-Jacques, kumquat, coings ; Bar de ligne, aubergine, miso ; Lotte, cime di rapa, prune salée ; Ramen, langoustines, sésame ; Canard colvert et légumes de saison et Topinambour, châtaignes, un dessert de terre et de douceur, comme un retour aux sources.
La cuisine de Toshiro Fujii n’a pas besoin de grands mots. Elle fonctionne par touches, par équilibres, par nuances. Elle se tient entre deux mondes - l’Europe qu’il habite, le Japon qu’il porte - et trace entre eux une ligne fine, presque invisible, mais sûre.

On ressort d’Enishi avec un sentiment rare : celui d’avoir été accueilli dans un espace qui ne cherche pas à prouver, mais à offrir. Un espace qui regarde le produit comme un compagnon, le geste comme une évidence, le temps comme un ingrédient.

Une adresse où la délicatesse n’est pas un style.
C’est une manière d’être.

LD

* 'enishi' est un terme japonais que l’on pourrait traduire comme la 'rencontre d’une destinée'.