À Engis, à trois pas de Huy, quelques-uns en plus de Liège. Au bord de l’eau et du ciel, F-eat est de ces maisons qui semblent nées d’un silence et d’un souffle. Et il faut presque deviner qu'à trois mètres de la rue se cache une telle adresse ; neuve, claire et apaisée, posée comme un reflet sur la surface du temps, à même les flots d'une ancienne pêcherie.

Avant d'y entrer, le regard s’y arrête, la lumière s'y installe. Le lieu respire l’épure : murs lumineux, lignes franches, chaleur du bois. Rien n’y pèse, rien ne manque, l’élégance se tient dans la justesse, l'apaisement se veut instantané. Hommage sans doute à l'impressionnante réalisation du lieu.

Niché dans l’ancien site du Val d’Oxhe, au cœur de la rue d’Ombret, F-eat s’élève comme une adresse révélatrice, un lieu à la croisée de la modernité et du terroir. Ouvert au printemps de cette année, sous la baguette de Claude Cousin et propulsé par l'entrepreneur Kevin Hernoux, le restaurant invite les amateurs de gastronomie contemporaine à vivre un moment à la fois raffiné, sincère et ancré dans une belle réalité.

Le décor, magnifique, mêle élégance, clarté et chaleur, avec une vue sur l’étang pour les convives les plus chanceux. Son design intérieur, contemporain et maîtrisé, affirme une identité sobre, attachante et lumineuse, à l’image de la cuisine qu’on y sert.

Et oui, ici, la cuisine n’est pas qu'un discours mais aussi un geste. Nous avions bien connu Claude Cousin, à l'époque sommelier du grand Christophe Pauly au Coq aux Champs à Soheit-Tinlot ; aujourdhui, le voilà en cuisine. Mais qu'il est surprenant, saisissant, rare, mais tellement bon de vivre ce genre de transmission. De celles que l'ont fait à soi-même.

Deux repas vécus et autant de jolis ressentis. Le Chef Claude Cousin s'exprime. Et c'est réjouissant. Il révèle sa manière d’écouter le produit, de l’accompagner jusqu’à sa vérité. Chaque assiette cherche à capter l’émotion brute de la matière, sans artifice ni superflu.

Les produits y parlent à voix haute : ceux du marché, du maraîcher, du pêcheur, de l’artisan.

L'équilibre des saveurs a reçu le premier mot, le jus le dernier. Entre les deux, la précision du feu, du rythme, de l'assaisonnement, de la couleur.

Ici, trois mises en bouche cuisinées, ensuite un bon pain et "le" beurre Bordier, autant d'ouvertures de bal ferventes lues comme autant de promesses. Et le reste du menu a tenu le rang : Truite d'Ondenval, aneth, pommes Granny Smith ; Céleri, truffe noire d'automne ; Noix de Saint-Jacques de Dieppe, butternut, noisettes, mousseline beurre noisette ; Chevreuil, coings, airelles, champignons, pommes dauphine, sauce Grand Veneur et le dessert 'Inspiration Belle Hélène' pour finir. J'ai connu des soupirs de fin de repas moins rieuses, moins convaincues.

Le midi, un menu court permet de saisir l’esprit de la maison. Hier, il y avait le choix de deux entrées et de deux plats. C'est rare et heureux.

Le soir, le temps s’étire : trois, quatre ou cinq services, comme autant de variations autour d’une idée simple, le goût juste. Le propos du partage du menu peut se prolonger aussi avec une carte qui cligne de l'oeil sur des suggestions autres, comme le Homard confit dans son beurre, piment d'Espelette, tomate et Chartreuse ; comme le Turbot, sa béarnaise et la purée de pommes de terre ; le Bœuf façon Rossini ; comme le Bœuf sauce Béarnaise et ses frites.

Une cuisine réjouissante, moderne, libre de son époque, nourrie d'essentiel , et guidée par la volonté d'offrir un vrai bon moment.

Le service, c'est le théâtre de Ivan et Laura, jeune couple qui fait mieux que distribuer les liquides et les solides. Quand des personnes s'aiment et aiment, on peut que recevoir d'eux et sourire de ce service, discret et attentif, qui prolonge cette impression d’équilibre.

Tout ici semble à sa place : la lumière, les voix, l’assiette, le rythme.

Et dans ce calme vivant, on ressent vite un peu plus que le moment d'un repas, on vit plus qu'une parenthèse.

LD