Le sel du scandale

18 octobre 2025

On savait le sel capable de sauver une sauce, voire d’enlever une tache, pas de saboter une soirée.
Un client de Gueuleton Bruxelles vient d’en faire la démonstration la plus lamentable qui soit.

Il y a des soirées qui commencent bien.
Un appel un peu tardif, une voix enthousiaste, la promesse d’un dîner entre amis. Le restaurant est complet, mais la voix a ce quelque chose de sincère, cette joie qu’un restaurateur aime entendre au bout du fil. Alors, on pousse un peu les murs, on trouve une table. Parce qu’au fond, c’est aussi cela, ce métier : accueillir, même à la dernière minute, quand la passion semble vraie.

Ce soir-là, ce monsieur avait très envie de venir dîner chez Gueuleton.
L’homme entre, accompagné. L’air léger, le rire franc, le regard un peu pressé d’en découdre avec la soirée. Quelques plats sont commandés, une ou deux bouteilles débouchées.
Le vin coule, les voix montent, la chaleur s’installe.
Tout respire la convivialité.

Puis vient la grande bouteille, un Bourgogne superbe, rare, à plusieurs centaines d’euros.
Le geste est précis, le service soigné. Les verres se remplissent, la soirée prend ce ton suspendu des bons moments.
Et soudain, un geste. Presque invisible.
Une poignée de sel, versée dans la carafe.

Le vin se trouble, la robe se voile, l’arôme s’effondre.
Quelques secondes plus tard, le jeu commence : un froncement de sourcils, une exclamation outrée, la surprise feinte, la déception affichée. On appelle la serveuse, on se plaint d’un vin “imbuvable”. Le ton est poli, mais ferme.

Et pendant que l’équipe, attentive et désolée, cherche à comprendre, le duo paie son addition… déduction faite de la fameuse bouteille.
Le tout avec le calme satisfait de ceux qui pensent avoir bien joué leur rôle.

Plus tard, à la lumière des caméras, tout devient clair.
Le geste, le sel, la scène.
Un mauvais film, mal joué, mais un vrai vol.

Les images et les coordonnées ont été conservées. Partagées avec discrétion entre restaurateurs, RGPD oblige, rien ne sera rendu public.
Mais disons que l’adresse restera désormais connue dans les coulisses.

Ce n’est pas la première fois qu’un restaurant devient le théâtre d’une telle comédie.
Ces histoires ont toutes le même goût amer : un peu de malice, beaucoup de bêtise, et ce manque d’élégance qui trahit l’irrespect de ceux qui ne mesurent pas le travail, la passion, et la confiance qu’un repas suppose.

Souhaitons à ce petit monsieur, avec une forme de bienveillance, de connaître que le vrai sel d’un repas.
Mais ce ne sera plus chez Gueuleton.

LD

Gueuleton – Brussels – Parvis Saint-Pierre, 1 à Woluwe-Saint-Pierre