« 50 Best » : A quelques jours du palmarès, la polémique reprend

23 mai 2015

C’est en ce début de semaine qu’a eue lieu la conférence de presse sur le fameux Fifty Best, vous en avez forcément entendu parler, le classement des 50 Meilleurs Restaurants du Monde (The World’s 50 best Restaurants).
Ce classement donne chaque année lieu à de nombreuses polémiques, notamment en France, patrie du Guide Michelin, pays de la gastronomie, chantre du savoir faire culinaire. Cette année la proclamation du classement a été repoussée de plus d’un mois (de fin avril à début juin), il faut dire que le guide Michelin avait lui aussi changé sa date de parution (sortie avec un mois d’avance le 2 février 2015), certains y ont vu corrélation.

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Une classement recherché par les chefs et les sponsors
Le classement du « 50 Best » est né en 2002 d’une initiative du mensuel anglais « Restaurant Magazine », une idée comme une autre de classer les 50 meilleurs restaurants du monde, cette idée originale deviendra rapidement un classement mondial que beaucoup de chefs de cuisine se disputent, un classement qui remplit les restaurants et qui projette les chefs en haut de la scène médiatique.
Le classement a pris une telle renommée qu’aujourd’hui, le classement pourrait être considéré comme économiquement profitable, c’est devenu un vrai business, quelques marques se bousculent pour en être sponsors. Parmi les sponsors importants San Pellegrino, Aqua Panna, Diners Club International, Lavazza, Veuve Cliquot, Gaggenau, Cacao Barry…

Une conférence de presse à Paris, la France étant le pays de la contestation du classement

C’est à l’hôtel Palace le Peninsula à Paris que la presse était invitée, tous ceux que compte l’univers des journalistes spécialisés en « bonne bouffe ou malbouffe » étaient conviés… ( enfin ceux qui touchent un peu à la fourchette ) mêmes certains étrangers, ceux aussi qui connaissent bien le sujet, car il faut le dire le sujet de « 50 best » est vaste et complexe.
Sur la scène, les responsables du magazine et de l’organisation du classement (William Drew, et Rachel Quigley), un grand absent le journaliste et chroniqueur gastronomique Andréa Petrini (World’s 50 Best Restaurants French Chairman ), c’est lui qui est responsable du « 50 best » pour la France.
Ci-dessous les membres de l’Academy 50 Best, qui se sont engagés sur un manifeste.

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« 50 Best » une marque mondiale contrôlée par Deloitte

« 50 Best » est devenue une marque, le classement possède une influence globale. « On réfléchit à des manifestations satellites, des tables-rondes. Il faut la monétiser » souligne le patron de presse William Drew, mais pour cela il faut être intègre et irréprochable. Le célèbre cabinet Deloitte est maintenant chargé de contrôler le système de vote, car c’est sur se sujet principalement que la légitimité du classement était remise en cause. D’ailleurs, en dessous du logo apparaît l’inscription « Independent Adjudication By Deloitte ».
Les votants sont choisis par cooptation par le responsable du « 50 Best » par pays, il y a des journalistes, des grands consommateurs de gastronomie, des bloggeurs, des chefs de cuisine, des restaurateurs, des hommes de lettre, des grands patrons, en tout 972 « experts votants » dans le monde.

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L’indépendance du vote

Le vote se fait uniquement sur internet via un contact à Londres, il faut avoir été choisi, remplir un questionnaire, s’engager à respecter la charte, il faut connaître le milieu de la restauration mondiale, et être plutôt un grand voyageur. Lorsque le temps du vote est déclenché, il faut choisir les établissements pour lesquels on vote, décrire sa visite, la période de visite et argumenter la décision.

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Ainsi, bien placé pour en témoigner le chef Jacques Pourcel a voté en 2013 pour le palmarès 2014 : « J’ai voté par internet, j’ai été contacté en amont par le responsable France, j’ai accepté de voter. Grâce à un code secret que l’on m’a fourni, j’ai dû choisir plusieurs établissements (aucune liste de restaurant ne m’a été fournie par avance), trois tables devaient obligatoirement être en dehors de mon territoire de résidence (en dehors de France). Il fallait simplement que dans les 18 mois précédents le vote, j’aie mangé dans les restaurants pour lesquels j’allais voter. C’était un vrai engagement personnel, tout cela repose sur la confiance, et la bonne foi. Il faut tout de même justifier les visites dans l’année des établissements pour lesquels on vote, en argumentant les éléments constatés lors des visites, il y a des questions pointues auxquelles il faut répondre avec précision, je n’ai subi aucune influence ». Le chef rajoutera : « En 2015, je n’ai pas été sollicité pour voter, il semblerait que les choses aient changées pour éviter tout conflit d’intérêts, moi personnellement, je n’avais aucun intérêt à privilégier un chef plutôt qu’un autre, peut-être ont-ils considéré que j’avais mal voté en 2013 ? (rires). Je savais de toute façon pour qui je ne voterais pas ! «.

Un classement tenu par les lobby ?

Le deuxième grand argument des détracteurs du classement, ce sont les soi-disant lobbying exercés par des grandes marques, qui influenceraient le classement, là-dessus les organisateurs insistent sur le fait que le classement est indépendant et intègre. Qu’aucun sponsor, ni pays n’influencent, ni ne dictent le classement, il y va du sérieux et de l’existence même de ce classement.
Pour exister les guides doivent trouver des revenus, alors sponsors, vente de guides, site internet payant, entreprise porteuse du projet, comment peut-on imaginer de faire vivre un guide ou un classement sans argent ?

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Un classement rejeté uniquement par les français
Alors même si les Français rejettent ce classement, qui chatouille la domination du Michelin, il semble évident que ce classement n’a pas fini de faire les beaux jours de la gastronomie mondiale, car beaucoup de pays adhèrent à ce classement.
La seule solution serait que le guide Michelin se décide aussi sortir un classement mondial des 50 meilleures tables du monde indique un chef interrogé sur le sujet. Mais Michelin ne couvre pas le monde, et dans tout les cas, classer les meilleurs restaurants du monde, reviendrait à classer les restaurants ayant 3 étoiles au Michelin, ce qui créerait une une grande dissension dans la profession et les chefs.

Un palmarès qui propulse certains chefs dans un business mondial

Le classement même si il est discutable, car toutes les catégories de restaurants sont un peu mélangées, n’en reste pas moins une vraie opportunité pour les chefs qui savent rebondir d’entamer un vrai développement à partir du palmarès. Les anglo-saxons et les sud américains et les asiatiques ont bien compris l’intérêt économique de se retrouver dans les 50 établissements de tête. Du côté des chefs français, la langue de bois est quand même de rigueur, ceux qui sont classés le disent à demi-mots, ceux qui n’y sont pas dans le classement critiquent ouvertement, mais rêvent en secret d’y être.

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Une pétition pour dénoncer le classement

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Drôle d’idée. Depuis quelques jours, il circule une pétition pour dénoncer le classement du « 50 Best » , pêle-mêle la pétition reproche au classement d’empoisonner les consommateurs (mis en cause El Bulli, Noma et Fat Duck), de qualifier une seule femme sur les 50 chefs, de prendre les clients pour de cobayes, d’appliquer une dictature du marketing, de condamner la starification des chefs, du manque de partialité, de dérives … Tout cela ne serait-il pas un peu manipulé ?
Ce que ce manifeste oublie de dire que parmi les 50 chefs de la liste, on retrouve de grands artistes de la cuisine, ceux qui font bouger les lignes, ceux chez qui ont l’émotion culinaire veux aussi dire quelque chose. Adria, Redzepi, Blumenthal, sont des artistes, des créateurs, ils marquent notre époque. Certes le classement est discutable, mais il a le mérite d’exister. Les Passard, Gagnaire, Calogreco, Robuchon, Barbot y ont bien leurs place, même si ont regrette beaucoup d’absents.Tout les continents sont représentés, les grands noms de la cuisine d’aujourd’hui sont là… va t’on demander à Michelin de retirer les étoiles à Noma, Fat Duck ou à certains restaurants espagnols ?

Cultiver sa différence

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On peut ne pas aimer et contester le « 50 Best » pour son contenu et son son modèle économique, on peut ne pas aimer les méthodes de travail du guide Michelin et d’attribution des étoiles (qui existe grâce à la production de pneu comme le rappelait dernièrement Michael Ellis), on peut critiquer le longues errances du Gault&Millau avant se reprendre et de compter à nouveau dans l’univers des guides, on peut ne pas être sensible au classement du Zagat par ses lecteurs.
Mais la tolérance c’est de savoir accepter la différence, d’accepter la concurrence, de se faire sa propre opinion, d’avoir la liberté de choisir !

Source F&S